Depuis une vingtaine d’années, la Lanterne est l’un des maillons de l’accueil de rue en ville de Neuchâtel. Trois fois par semaine, ce lieu œcuménique ouvre ses portes pour un café, un espace d’échange, de réconfort et un temps de prière et de méditation.

Niché au cœur de la vieille ville de Neuchâtel, à proximité de la place Pury, où se retrouvent bon nombre de marginaux, ce petit café pas comme les autres est animé par l’aumônerie œcuménique de rue. Avec quelques tables, des chaises, une guitare, une croix et une colombe accrochées au mur, ce lieu chaleureux peut recevoir entre 15 et 20 personnes. Près de 100 passages y sont comptabilisés chaque mois. Les visiteurs et visiteuses qui franchissent son seuil trouvent convivialité, écoute et une collation. « Un petit-déjeûner le lundi, un bircher le mercredi après-midi et une soupe ou une salade le vendredi soir », explique le diacre Jean-Marc Leresche, responsable de la Lanterne depuis quatre ans et troisième aumônier du lieu.

Ici, la gratuité est une évidence depuis toujours. Il n’est pas question de demander une contribution aux plus fragiles. La création de la Lanterne remonte à 2003, sur l’initiative d’un groupe de réflexion mené par Frère Leo – Josef Egli de son véritable nom – un aumônier catholique des Ecoles chrétiennes de Neuchâtel présent auprès des détenus et qui recevait à l’époque, d’abord à son propre domicile, des laissés-pour-compte. Le public de la Lanterne a changé depuis. Il est aujourd’hui majoritairement constitué de personnes qui se sentent seules et qui sont à la recherche de contacts humains.

« Nous accueillons aussi des personnes en situation financière précaire », souligne Jean-Marc Leresche. Des personnes âgées, mais aussi des plus jeunes, inscrits aux assurances sociales qui viennent trouver ici une oreille bienveillante, et parfois une petite aide pour une formalité. « Pour la première fois l’année dernière, nous avons reçu la visite d’un père de famille et de ses deux enfants adolescents qui disaient dormir dehors. Le service de l’action sociale de la ville de Neuchâtel a heureusement pu leur fournir un appartement assez rapidement ». D’ailleurs, pour répondre à des besoins croissants, les autorités neuchâteloises ont récemment décidé de financer un projet de lieu d’hébergement de nuit en ville pour les sans-abris.

Une solide équipe de bénévoles

A l’occasion, la Lanterne, offre une aide plus concrète et matérielle, sous la forme de nourriture ou de bons Migros, financés par les donateurs de l’association Dorcas en charge de l’administration et des frais de fonctionnement du local. Les trois Eglises du canton : réformée, catholique romaine et catholique chrétienne, versent le salaire de l’aumônier.

Une équipe de 12 bénévoles se relaie pour assurer l’accueil et préparer les collations. La plupart ont un enracinement chrétien et certains sont présents depuis les débuts. « Il s’agit d’un bénévolat exigeant car l’on est en lien avec des personnes parfois difficiles dans la relation. Il faut savoir être dans l’empathie et l’écoute, tout en gardant une distance critique ». Un animateur de rue est présent en ville pour faire le lien avec la Lanterne.

Une petite chapelle à l’atmosphère très intime est attenante au café. C’est ici que se termine chaque permanence, avec un temps de méditation et de prière pour ceux qui le désirent. « Tout le monde est le bienvenu et la bienvenue. J’ai coutume de dire que c’est à Neuchâtel le lieu où le Notre Père est le plus souvent récité au cours de la semaine », plaisante encore Jean-Marc Leresche. Pour certains visiteurs même, la Lanterne est devenue leur église ».

Mais aux yeux du diacre, la spiritualité est présente dès la rencontre avec l’autre, dans la manière de l’accueillir. « Nous ne sommes pas juste des prestataires de service. L’aspect spirituel est important. Ici, les questions en lien avec la foi, l’Eglise, Dieu peuvent être abordées sans tabou ». L’important est d’accueillir l’autre tel qu’il est et de respecter ses opinions et ses croyances. Des entretiens individuels sont aussi possibles dans la chapelle, à l’abri des oreilles peut-être indiscrètes.

Ouverture

De temps à autre, le diacre neuchâtelois rêve d’ouverture. « La Lanterne reste connotée comme un lieu réservé aux marginaux. Pour briser les préjugés, elle pourrait devenir un endroit où se rencontreraient les différentes couches de la population. Je serais heureux d’accueillir quelques voisins qui auraient l’occasion de changer leur regard sur nos hôtes ».

En plus de l’animateur de rue présent en ville, le comité de l’association Dorcas souhaiterait pouvoir engager une animatrice de rue bénévole afin de répondre à des problématiques concernant plus spécifiquement les femmes. Un autre défi consiste à entretenir et fortifier le travail en réseau avec les différents partenaires sociaux.

Plus de 20 ans après sa création, la Lanterne souhaite pouvoir encore accueillir ses visiteurs. Sa longévité est à la mesure de la persistance de la précarité et de la mendicité et de la manière de les prendre en charge. Car à Neuchâtel, comme dans d’autres villes suisses, les besoins sont toujours présents, avec pour certaines personnes, des situations qui demeurent inchangées. « Il s’agit pour nous de voir comment continuer et comment nous renouveler, sachant que notre équipe de bénévoles bien que solide est aussi vieillissante ».

Régulièrement, dans « Reflets de la Lanterne », son journal biannuel, le lieu d’aumônerie lance un appel aux dons. « Ce lieu est important également pour les Eglises, dans le sens où il offre une « vitrine » de leur engagement et de leurs activités au service de la population dans son ensemble », souligne Jean-Marc Leresche.