CH : Le Centre social protestant incite à ne pas se laisser faire par les sociétés de recouvrement
Une facture oubliée un peu trop longtemps et c’est le courrier comminatoire d’une société de recouvrement qui échoue dans la boîte aux lettres avec sa ribambelle de frais qui font facilement doubler la note. Pour le CSP Neuchâtel, ces frais additionnels sont en principe contestables et il faut les contester.
«Le ton est menaçant et le texte émaillé de références juridiques ; mais les personnes qui reçoivent une invitation de payement d’une société de recouvrement ne devraient pas se laisser impressionner. Le centre social protestant – Neuchâtel CSP-NE diffuse sur Facebook une série d’informations à destination des débiteurs de ces sociétés, chargées par d’autres entreprises de récupérer des montants impayés.
Premier réflexe : vérifier que le montant initial réclamé correspond effectivement au montant de la facture en souffrance. A moins d’un contrat qui prévoit expressément autre chose, comptez un intérêt moratoire de 5% par an. Et pour le reste, tout contester à l’aide du modèle de courrier proposé par le CSP-NE.
« Les sociétés de recouvrement savent que leur argumentaire est bringuebalant. »
Crystel Dufaux Hess
Avocate-conseil au CSP-NE
Les frais qui font exploser la facture initiale sont, en effet, une spécialité des sociétés de recouvrement. Elles s’appuient sur l’article 106 du Code des obligations qui prévoit que les créanciers peuvent exiger de se faire rembourser les frais causés par le retard de payement. Non applicable pour le CSP-NE ! «Lorsque le droit prévoit de rembourser un dommage, ce qui est dû c’est le dommage, uniquement le dommage. Le montant doit être motivé, cela ne peut pas être un forfait !», explique Crystel Dufaux Hess, avocate-conseil au CSP-NE. Bref, faute de pouvoir faire la preuve du préjudice subi, le créancier ne peut rien exiger. Par ailleurs, l’article 27 de la Loi sur les poursuites prévoit que «les frais de représentation ne peuvent être mis à la charge du débiteur.» «La procédure pour mettre quelqu’un en poursuite est simple, si une entreprise décide de recourir à un intermédiaire pour cela, elle n’a pas à en faire supporter le coût au débiteur !», souligne l’avocate-conseil.
Michael Loss, porte-parole d’Intrum Justitia, l’une des principales sociétés de recouvrement en Suisse, conteste cette analyse. «La légitimité desdits dommages dus au retard de payement (frais de retard selon art. 106 CO) est incontestée», écrit-il. «Un tel dommage est désigné dans la loi comme étant le préjudice subi par le créancier quand un consommateur ne paie pas sa facture. Cela se traduit par les dépenses en personnel ou financières engendrées chez le créancier afin de recouvrer le montant au-delà des rappels. Le créancier n’a bien entendu pas à subir ce dommage étant donné que ce dernier a été engendré par le consommateur qui n’a pas payé.» Et il ajoute «concernant l’art. 27 LP, il s’agit malheureusement d’une attitude incorrecte des associations de protection des consommateurs, étant donné que la loi des poursuites et de faillites LP, comme l’indique clairement le nom, trouve son application seulement quand une poursuite est engagée auprès de l’office des poursuites et des faillites.»
Pourtant de l’expérience accumulée par le CSP-NE au travers de sa permanence désendettement montre que lorsque ces frais sont contestés, mais que la créance initiale et les intérêts sont payés, l’affaire est le plus souvent soldée. «Il n’y a pas encore de jurisprudence fédérale sur cette question et la jurisprudence cantonale est peu abondante», reconnaît Crystel Dufaux Hess. «Mais les sociétés de recouvrement savent que leur argumentaire est bringuebalant. Elles craignent donc qu’une affaire soit portée au niveau fédéral ce qui donnerait lieu à une jurisprudence qui leur serait certainement défavorable !»
La question semble juridiquement pointue, pourquoi le CSP a-t-il choisi de communiquer sur le sujet, plutôt que d’inciter les gens à recourir à sa permanence. «Nous nous sommes rendu compte, dans le cadre de nos accueils, que les personnes qui ont des difficultés avec ces sociétés sont très nombreuses. Si tout le monde ne vient pas en consultation il nous paraît important de donner des informations qui permettent au consommateur de se défendre», milite Isabelle Baume, directrice adjointe du CSP-NE.
Source : Joël Burri, ProtestInfo