Apprendre aux exilés admis en Suisse à devenir autonomes en matière administrative. C’est le projet développé dans le canton de Vaud par l’Entraide protestante suisse et Pain pour le prochain (EPER). L’œuvre d’entraide entend soutenir ainsi les candidats au permis B et leur permettre du même coup de reprendre confiance en leurs capacités.

De l’exil à l’obtention de l’asile, la trajectoire de nombreux jeunes issus de la migration s’apparente souvent à un véritable parcours du combattant. L’épuisement guette ces jeunes au terme de leur procédure d’asile. Pourtant, après avoir décroché le permis F, qui accorde une admission provisoire en Suisse – renouvelable chaque année – la lutte n’est pas terminée.

Il s’agit alors de transformer le permis F en permis B. Un moment généralement très important et très attendu, car l’autorisation de séjour permet de quitter le territoire suisse pour aller voir sa famille en Europe, de trouver plus facilement un logement et un travail, mais aussi de bénéficier des mêmes règles en matière d’aide sociale que les citoyens suisses.

La demande de transformation du permis F en permis B dure environ une année. Mais une fois le fameux sésame obtenu, il s’agit encore de savoir gérer seul un budget, choisir une assurance-maladie, conclure un bail à loyer et s’occuper de nombreuses autres démarches administratives auparavant toutes prises en charge par les autorités cantonales, l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), plus précisément.

« C’est un moment-clé, souvent difficile à gérer », explique Hélène Menut, collaboratrice du projet « Formation F en B » auprès de l’EPER. « De nombreuses personnes, non préparées à de tels changements administratifs, peuvent alors basculer dans l’endettement. D’où l’idée de cette formation qui utilise la demande de permis B comme un exercice administratif concret. » Le temps de la procédure, il s’agit de transmettre les connaissances et les outils nécessaires à une autonomie administrative en Suisse. Une formation qui bénéficie du soutien de l’EPER, du Bureau cantonal vaudois de l’intégration et de Fondia, la fondation pour la promotion de la diaconie de proximité dans le cadre de l’Eglise évangélique réformée de Suisse.

Critères légaux

Le projet a démarré après que la jeune femme a constaté que certains candidats au permis B pouvaient se passer du soutien fourni par le Service d’aide juridique aux exilé.e.s (SAJE) de l’EPER, à condition de renforcer leurs capacités de gestion des dossier administratifs.

Le projet s’adresse aux personnes titulaires d’un permis F, habitant le canton de Vaud et qui remplissent les critères légaux, à savoir résider en Suisse depuis plus de cinq ans, être autonome financièrement ou être en cours de formation, ne pas avoir de dettes ni de casier judiciaire et pouvoir justifier de son identité. Il faut aussi pouvoir se prévaloir d’un niveau de français suffisant pour lire les courriers administratifs et y répondre.

Depuis 2022, 40 personnes participent chaque année à cette formation. Leur provenance varie en fonction des conflits en cours sur la planète. Actuellement, une majorité sont originaires d’Afghanistan, de Somalie, de Guinée, d’Erythrée et d’Ethiopie. Le projet compte aujourd’hui 40% de femmes, ce qui correspond au pourcentage de femmes dans l’asile.

Plusieurs mères de famille suivent aussi cette formation qui leur permet d’élargir leur rôle dans la société helvétique et de mieux protéger leurs enfants, par exemple en souscrivant à une assurance maladie adaptée aux besoins de toute la famille.

Les participant.e.s commencent par suivre une session de présentation du projet et des outils de base (création d’adresse électroniques, scan de documents) suivie d’une session sur les règles de rédaction utiles pour la demande, explique encore Hélène Menut.

Huit ateliers sont ensuite organisés dans l’année sur des sujets tels que l’assurance maladie (franchise, prime, quote-part, subsides), droit du bail et ce qui touche au logement (Serafe, étapes d’un déménagement), B.A.-BA du droit du travail, assurances sociales – comprendre sa fiche salaire, création d’un budget, crédits et risques, déclaration d’impôt.

« En parallèle, nous avançons en binôme sur la demande de permis B. Les candidats doivent réunir les documents, rédiger eux-mêmes leur demande, avec mon soutien. » Le plus difficile est de ne pas laisser tomber. Il faut suivre les démarches, rappeler les autorités.

Ces entretiens individuels permettent aux participant.e.s de reprendre confiance en leurs capacités, dans un cadre bienveillant et encourageant. La collaboratrice du projet s’adapte à leur niveau afin de les aider à progresser dans leurs démarches.

Après l’obtention du permis B tant convoité, les participant·e·s sont invité.e.s à revenir dans un module de suivi où ils ont la possibilité d’exposer les difficultés auxquelles ils sont confrontés avec leur nouveau statut. En fonction des besoins, la chargée de projet redirigera alors la personne vers les institutions/associations existantes du canton de Vaud.

Succès du projet

Tous les participant.e.s obtiennent leur permis B car ils répondent déjà aux critères requis. Parfois, il arrive toutefois que l’un d’eux perde son emploi au cours de la procédure, ce qui retarde d’autant la décision. « Les personnes ont souvent besoin d’encouragements au départ, mais elles voient ensuite rapidement qu’elles parviennent à se débrouiller seules et n’ont plus besoin de demander de l’aide », relève Hélène Menut.

In fine, le projet contribue à sortir les participant·e·s de la marginalité, à prévenir leur endettement et à favoriser leur inclusion en tant que citoyen·ne·s à part entière. Après la formation, ils osent s’affirmer, revendiquer leurs droits et assumer leurs devoirs.

L’Agenda Intégration Suisse émit par la Confédération pourrait avoir une influence sur le projet si une partie de la matière enseignée était dispensée par les autorités cantonales. Pour l’heure, le projet se renouvelle d’année en année.

(Le projet est soutenu par la fondation fondia – www.fondia.ch).