Depuis la fin de la pandémie, la paroisse réformée de La Chaux-de-Fonds propose une fois par semaine un repas chaud et solidaire, ouvert à toutes et à tous. Une initiative participative qui permet de lutter contre l’isolement et qui a donné naissance à une forme de communauté bienveillante.
« Les repas de l’amitié, c’est un repas tous les mercredis au Centre paroissial de La Chaux-de-Fonds », explique le diacre Gaël Letare. Ce rendez-vous a d’abord rassemblé dix personnes, puis 20, 30 et réunit désormais 35 à 40 convives chaque semaine autour de la table. Des personnes de tout âge, de toute nationalité et de toute confession, sans discrimination. Parmi les habitués, on trouve des membres de la paroisse, mais aussi des personnes âgées, des rentiers AI ou des voisins du quartier. Viennent également quelques marginaux, des réfugié.e.s, ou des gens qui traversent une mauvaise passe et parfois même des familles.
L’idée de ce repas convivial est née vers la fin de la pandémie. Il s’agissait alors de rompre l’isolement qui avait prévalu pendant de longs mois. Très rapidement, trois bénévoles de la paroisse ont rejoint le projet de Gaël Letare et tout s’est enchaîné naturellement. Dès le début en juin 2021, les participants.e.s ont été mis à contribution. Ils ont pris les choses en main, se sont organisés pour faire les courses, prévoir les menus et s’occuper de la cuisine.
Créer du lien
« Ces rencontres hebdomadaires permettent de créer du lien et d’accueillir des personnes extérieures à la paroisse, en toute simplicité », souligne le diacre. Chacun et chacune est libre de participer s’il le souhaite, sur le court ou le long terme. Certain.e.s aiment cuisiner et mijoter de bons petits plats. D’autres sont volontaires pour mettre la table ou aider à la vaisselle. Le prix est libre et modeste : entre quatre et huit francs que l’on glisse dans une boîte en toute discrétion. « Nous avons toujours assez d’argent pour financer les repas. Avec parfois même un surplus que nous gardons pour le menu de Noël », relève Gaël Letare.
Les denrées alimentaires s’achètent auprès d’associations qui recueillent les marchandises invendues des centres commerciaux. Ces produits permettent de préparer une soupe, une salade, un plat chaud et un dessert. Et souvent, des paroissien.n.e.s participent à leur manière, en apportant un gâteau confectionné par leurs soins.
Bienveillance
Pour le bon fonctionnement de ces rencontres, la bienveillance et la souplesse sont les maîtres-mots. Ainsi, personne ne fait de remarque si le repas commence dix minutes plus tard que prévu ou si les fourchettes sont placées à l’envers dans le lave-vaisselle. Un autre accent particulier est porté sur l’accueil, relève le diacre. Lorsqu’une nouvelle personne arrive, il y a toujours un responsable pour se lever, la saluer, l’aider à trouver une place, lui servir une assiette et lui présenter ses voisins de table. « On veille aussi à appeler les gens par leur prénom, à poser sur eux un regard compréhensif et à les écouter ».
Une communauté
Au fil du temps, c’est une véritable communauté qui s’est créée. Sur 35 participant.e.s, on retrouve toujours entre 20 et 25 habitué.e.s. Plusieurs d’entre eux témoignent d’ailleurs que le « repas de l’amitié » est devenu leur moment privilégié de la semaine. Peu à peu, certains d’entre eux sont même devenus des forces vives importantes de la paroisse. Ils prennent désormais part à divers projets dans l’année, en préparant notamment le repas de Noël, ou encore en tenant les stands de la brocante lors de la fête de la paroisse.
A l’issue du repas, il est possible de proposer une animation. Une personne a, par exemple, fait découvrir des jeux de société adaptés aux malvoyants. Une autre a partagé ses idées concernant le jardin et la transition écologique. Récemment, le projet d’un potager dans le jardin de la cure a vu le jour. L’idée est aussi de proposer un lieu de partages de compétences, souligne Gaël Letare. Certaines personnes se mettent à disposition pour remplir une déclaration d’impôts. Un des paroissiens s’est rendu chez un des participant.e.s pour l’aider à s’occuper de ses factures. Un autre s’est proposé pour un déménagement.
Avec les pasteurs
Il n’y a pas de prière avant le repas. Il ne faudrait pas que les nouveaux invités se sentent pris au piège. En revanche, le diacre ou un pasteur propose juste avant de passer à table un temps de méditation chrétienne, dans une petite chapelle à l’étage. Ici encore, chacun est libre de venir ou non. Parfois, trois ou quatre participant.e.s répondent à l’appel, parfois ils sont dix ou douze. « Ce qui nous intéresse avant tout, c’est la relation. Il n’y a pas de discrimination en fonction de la participation au culte. Mais on propose à celles et ceux qui sont intéressé.e.s par la spiritualité chrétienne de venir à des rencontres ou cultes adaptés ».
Un ou deux des ministres de la paroisse assistent à tour de rôle à chaque repas. Leur mission est d’être présents, de s’asseoir et de discuter avec les gens ou encore de laver les plats. Certains ont beaucoup de plaisir et sont devenus des fidèles de ces rencontres. Les convives les appellent par leur prénom, les saluent dans la rue. « Mon rôle en tant que diacre, est d’accompagner, d’encourager et aussi d’apaiser les tensions qui peuvent surgir alors que le stress règne en cuisine par exemple », précise Gaël Letare. Il est important de veiller à l’atmosphère, à ce que les gens se sentent bien. Mais les incidents sont rares. « Une seule fois, on a demandé à un participant qui s’était mis en colère de quitter les lieux ». Généralement, les « repas de l’amitié » se déroulent dans la joie et la bonne humeur.
Une Eglise ouverte
« J’ai toujours eu la vision d’une Église ouverte qui permette aux gens d’entrer dans des activités ecclésiales de manière simple et facile. J’ai aussi la conviction que si l’Église n’a pas autre chose à offrir que le culte du dimanche, elle ne peut toucher qu’une petite partie de la population ». Pour Gaël Letare, ce point d’entrée à bas seuil, facile d’accès est nécessaire. Le diacre ne cache d’ailleurs pas son enthousiasme et rêve de voir ce genre de projets se multiplier. « Il est si facile d’organiser un repas, c’est comme inviter des amis chez soi. » Selon lui, on est ici au plus proche de l’Évangile. Après tout, Jésus lui aussi s’asseyait à une table avec des gens du monde, alors que les Pharisiens le regardaient de loin. Il avait des paroles de vérité adaptées à chacun et racontait des paraboles concrètes. « Je trouve beau si des gens peuvent incarner aujourd’hui cet accueil dans l’Église et avoir des paroles d’encouragement, tout cela sans prétention ». Les échanges sont d’ailleurs également bénéfiques aux gens d’Église, relève le diacre. « Les gens s’ouvrent à nous, certains nous racontent leur vie, leur parcours parfois difficile. On se sent utile et cela fait du bien de voir que l’action de l’Église a encore du sens aujourd’hui ».