Enquête auprès de jeunes Suisses
Idéologies extrémistes mais sans violence
Près de la moitié des jeunes en Suisse est hostile au capitalisme, un quart de celles et ceux qui ne sont pas issus de la migration sont xénophobes et 43% des jeunes musulmans rejettent les valeurs de la société occidentale. Ces chiffres figurent dans une enquête récente sur l’ampleur de l’extrémisme politique chez les jeunes en Suisse effectuée en 2017 par la haute-école de travail social de Fribourg et la Hochschule für angewandte Wissenschaften de Zurich.
Au total 8 317 étudiant-e-s de première et de deuxième année du secondaire II (ly-cées/collèges, écoles de culture générale, écoles professionnelles et centres de transition pro-fessionnelle), dans dix cantons suisses ont répondu à un questionnaire en ligne durant une heure de cours. Il est à souligner que l’échantillon n’est pas représentatif de la Suisse, les résul-tats ne peuvent donc pas être généralisés à l’ensemble du pays.
Les élèves ayant participé à cette enquête ont en général entre 17 et 18 ans (55,8% des élèves), sont répartis de façon équilibrée entre garçons (49,7%) et filles (50,3%), vivent pour la plupart avec leurs deux parents (62,5%) et leur lieu de résidence est, dans la majorité des cas, urbain (55,3%).
Extrémisme de droite
Orientation centrale : prône le nationalisme et la dictature et divise les individus en groupes de valeurs différentes (darwinisme social)
Groupes ennemis : étrangers, juifs et musulmans
Les résultats de l’enquête montrent que 5,9% des jeunes sans parcours migratoire peuvent être considérés comme des extrémistes de droite. Cependant, des variations importantes dans l’adhésion aux différentes dimensions idéologiques de l’extrémisme de droite sont à relever : alors que 25,1% des jeunes sans parcours migratoire adhèrent à la xénophobie et 21,1% au nationalisme, 4,8% d’entre eux prônent la violence contre les étrangers et 5,4% une dictature. L’enquête s’est éga-lement intéressée aux comportements violents d’extrême droite : 2,6% des personnes interro-gées ont reporté des violences physiques ou des dommages matériels exercés contre les étran-gers ou les extrémistes de gauche au cours des douze derniers mois.
Extrémisme de gauche
But idéologique : mise en place d’un État communiste
Groupes ennemis : d’une part le capitalisme, d’autre part l’État et ses organes qualifiés de ré-pressifs, notamment la police
7% des répondants peuvent être considérés comme des extrémistes de gauche. Les proportions des personnes interrogées qui approuvent les différentes dimensions idéologiques de l’extrême gauche varient encore plus que pour l’extrême droite plus de 40% des jeunes sont hostiles au capitalisme et sont d’accord avec l’affirmation suivante : « Les riches et les puissants exploi-tent toujours plus les gens ordinaires. De nos jours, seules les multinationales gouvernent le monde ». 21,7% des personnes interrogées sont hostiles envers la police et l’État. Cependant, seules 5,6% soutiennent le communisme et 8,1% prônent la violence contre les policiers. Au cours des douze derniers mois, 4,4% des personnes interrogées ont commis des actes de vio-lence d’extrême gauche (dommages matériels à l’encontre des biens appartenant aux capita-listes, attaques contre des policiers et violences physiques à l’encontre des extrémistes de droite et de leurs biens).
Extrémisme islamiste
Objectif idéologique central : introduction d’une théocratie fondée sur le Coran et la charia
Groupes ennemis : sociétés occidentales en général, les musulmans non traditionnels et les Suisses en particulier
En ce qui concerne l’extrémisme islamiste, 2,7% des jeunes musulmans peuvent être considérés comme y étant favorables, soit un sur 37 (à noter toutefois la petite taille de l’échantillon), la proportion étant plus élevée chez les garçons (4,4%) que chez les filles (1,4%). 43% des jeunes musulmans interrogés sont hostiles envers l’occident, et 28,8 hostiles aux musulmans non tra-ditionnels. À noter que le recours à la violence au cours des douze mois précédant l’enquête est faible (2,8%). En ce qui concerne la consommation de médias, 30,8% des musulmans inter-rogés ont consommé (rarement ou de façon plus fréquente) des médias ayant un contenu isla-miste radical au cours des 12 derniers mois, 8,9% le faisant fréquemment.
Extrémistes de gauche plus prompts à la violence
En fin de compte, les résultats de l’enquête montrent que l’extrémisme de gauche (attitude et comportement) est un peu plus répandu que l’extrémisme de droite et que les jeunes extré-mistes de gauche commettent plus d’actes violents que les jeunes extrémistes de droite.
De manière générale, pour toutes les formes d’extrémisme, l’étude conclut que l’adhésion aux objectifs idéologiques (et en particulier la dépréciation du groupe externe « ennemi ») est supé-rieure au soutien à la violence.
Consommation de médias extrémistes
Si l’on examine la consommation de médias extrémistes, la proportion la plus élevée de jeunes consommant des médias extrémistes se rapporte à l’extrémisme islamiste (30,8%), suivi de l’ex-trémisme de gauche (17%) et de droite (15,8%).
Théories du complot
Entre 33,3% et 40,5% des répondants sont d’accord avec les propositions mesurant l’adhésion aux théories du complot, ce qui indique qu’un grand nombre de jeunes sont sensibles à ces théories. La fiabilité de la valeur moyenne peut être formée à partir de la réaction à trois thèses :
- La plupart des gens ne se rendent pas compte dans quelle mesure notre vie est déter-minée par des complots qui se trament en secret.
- Il existe des organisations secrètes qui ont une grande influence sur les décisions poli-tiques.
- Les politiciens et autres dirigeants ne sont que les marionnettes d’un pouvoir caché.
Les théories du complot sont en corrélation avec les trois formes d’extrémisme, c’est-à-dire que plus les jeunes adhèrent à une forme d’extrémisme, plus ils adhèrent aux théories du complot (et vice-versa). À cet égard, on peut conclure qu’une mentalité conspirationniste caractérise tous les types d’extrémisme, mais principalement l’extrémisme de gauche et l’extrémisme isla-miste.
Autoritarisme
L’autoritarisme est surtout lié à l’extrémisme de droite et, dans une moindre mesure, à l’extré-misme islamiste. 68,4% des jeunes d’extrême droite peuvent être qualifiés d’autoritaires contre 27,1% des jeunes qui ne sont pas extrémistes. L’attitude autoritariste plébiscite une répression accrue des crimes et une sévérité plus grande à l’égard des « fauteurs de trouble » et autres marginaux (toxicomanes, sans-abris etc.). L’adhésion à la dictature reste très faible en Suisse, ce que les auteurs de l’étude expliquent par la longe tradition démocratique du pays.
Appréciation de la démocratie
82,4% des jeunes interrogées sont satisfaits avec la démocratie en Suisse et estiment que la démocratie est la meilleure forme de gouvernement. D’une manière générale, le lien entre les attitudes extrémistes et la méfiance institutionnelle est particulièrement fort pour l’extrémisme de gauche.
En conclusion, l’étude rappelle qu’il existe de nombreux chevauchements entre les extré-mismes et propose des pistes de réflexion pour la prévention, en étudiant l’impact des caracté-ristiques socio-démographiques sur les idées et comportements des jeunes interrogés.