A l’heure du vieillissement démographique, la fin de vie est toujours un sujet tabou. Plusieurs événements veulent lever le voile sur la question cet automne en Suisse : des soins palliatifs à la médecine psychédélique. Un festival urbain consacré à la mort est aussi prévu à Berne.

A l’occasion de la Journée mondiale des soins palliatifs qui se tiendra le 27 octobre à Morges, Palliative Vaud propose une journée audacieuse d’explorations et de réflexions, intitulée « Médecine intégrative, médecine psychédélique, médecine chamanique ». « A l’heure du vieillissement démographique, du manque de personnel soignant, de la pénurie de médicaments, n’est-il pas temps d’ouvrir le champ des possibles en conjuguant les différentes approches de médecines existantes ? », s’interroge l’association vaudoise.

La rencontre propose des conférences données par des intervenant.e.s tel.l.e.s que la professeure Claudia Garamondi, cheffe du service des soins palliatifs et de support du CHUV, à Lausanne, le Dr. Vincent Liaudat, psychiatre, psychothérapeute, musicien à Lausanne,  spécialisé dans les états de conscience modifiés et habilité à pratiquer la médecine psychédélique. Le chaman et médecin traditionnel Lama Pasang, originaire du Népal, participera à une table ronde sur les résistances face aux alliances thérapeutiques à l’hôpital. La Dre Natacha Bordry s’occupe de la consultation d’oncologie intégrative au centre de médecine intégrative du CHUV et se penche sur le traitement et la recherche sur les cancers ainsi qu’à la manière de soulager les symptômes liés à la maladie. Elle sera aussi présente.

« La fin de vie est une question très importante, qui défie la science à de nombreux égards et pose la question de la conscience », souligne le Pr Jacques Besson, ancien chef du service de psychatrie communautaire du CHUV. Ce spécialiste en addictologie s’intéresse depuis de nombreuses années à l’exploration des liens entre psychiatrie, religion, neurosciences et spiritualité. Selon lui, la Suisse est parfois en avance sur ce type de questions.

Le psychiatre lausannois plaidera lors de cette journée de conférences en faveur du développement d’une médecine post-matérialiste. A ses yeux, la science contemporaine et les nouvelles approches de la physique actuelle produisent en effet des points d’incertitudes et les anciens modèles de la science matérialiste se heurtent à des points de butée. Il est temps d’intégrer la spiritualité comme une véritable dimension de la médecine.

Un festival et un colloque à Berne

D’autres événements autour de la fin de vie sont prévus à Berne, où se tiendra du 22 au 25 octobre, la 8eConférence internationale sur les soins palliatifs en santé publique, organisée notamment par le professeur Steffen Eychmüller, co-directeur du centre bernois de soins palliatifs à l’hôpital de l’lle. Cette conférence réunira des spécialistes du monde entier et de diverses disciplines, de la santé publique aux soins infirmiers, en passant par la sociologie, la psychologie, la théologie, la médecine et la politique. Ils présenteront des modèles et des projets visant notamment à renforcer les connaissances et l’approche de la fin de vie. « Dans notre société, on parle souvent de la naissance, mais on évoque très peu la fin de vie », déplore le professeur. Selon lui, des problèmes risquent de se poser rapidement en matière de santé publique si la population refuse de s’impliquer davantage sur ces questions, en faisant par exemple preuve de solidarité dans son voisinage, dans son quartier. Avec le vieillissement de la population et le manque croissant de personnel soignant, il pourrait en effet devenir difficile à l’avenir de continuer à déléguer aux professionnels de la santé ces derniers moments de l’existence. Comment notre société pourra-t-elle alors assurer une fin de vie digne aux malades incurables?, s’interroge le professeur. C’est pourquoi il est important de se préparer à sa finitude et de se poser les bonnes questions.

Sensibiliser la population à la thématique. C’est justement l’un des objectifs du premier festival urbain consacré à la mort et au deuil qui se tiendra du 21 au 25 octobre prochain en ville de Berne, en parallèle à la conférence internationale organisée par l’hôpital de l’Ile. Intitulée « enfin.humain », cette manifestation inédite invite à se pencher et à partager sur les questions entourant la fin de vie, sous la devise « « Nous serons tous touchés, alors faisons en sorte que cela se passe le mieux possible ». Un programme varié attend les visiteurs et visiteuses, avec des promenades thématiques dans la capitale fédérale, une visite de la Maison des Religions, des ateliers, des mises en scène, mais également des concerts, des lectures et tables rondes, ainsi que divers projets artistiques.

Le rôle des aumôniers spirituels

Le festival est une manière de tenter de faire tomber les nombreux préjugés qui entourent la fin de vie. « Il faut savoir que les soins palliatifs ne concernent pas que les malades du cancer et ne signifient pas une mort imminente », relève le docteur Christian Bernet. Spécialiste en médecine palliative, directeur de l’Association pour le développement des soins palliatifs BEJUNE, il est le fondateur de l’équipe mobile de soins palliatifs dans cette région. Le public et les professionnel.l.e.s devraient aussi réviser leurs jugements sur l’usage de la morphine par exemple, qui n’accélère pas les derniers jours, mais peut au contraire la prolonger.

Au final, l’un des plus grands défis de la fin de vie concerne la détresse spirituelle, psychologique ou existentielles des patient.e.s, souvent difficiles à prendre en charge. C’est ici que le rôle des psychologues, mais aussi des aumôniers spirituels prend toute sa place. Les équipes font régulièrement appel à ces professionnels de l’Église pour accompagner les malades. « Dans le secteur de la santé, l’accompagnement spirituel fait aujourd’hui partie intégrante du traitement global des patients et de leurs proches », confirme ainsi le pasteur Reto Beutler, qui intervient comme aumônier à l’hôpital de Bienne. « Les Églises peuvent s’enorgueillir d’une longue tradition en matière de fin de vie, d’adieux et de gestion du deuil. Leur personnel est bien formé, titulaire d’un master et de formations complémentaires  ». Elles ont sans aucun doute un rôle important à jouer dans ce domaine.

Informations:  https://www.palliativevaud.ch, https://www.palliative.ch/fr/a-notre-sujet/actualites/phpci-2024, https://www.endlich-menschlich.ch/