Investir au lieu de donner – de nouvelles formes de soutien en diaconie

Investir au lieu de donner – de nouvelles formes de soutien en diaconie

Le but de tout investissement social est l’autonomisation et l'indépendance de l'autre et non sa dépendance. L'action diaconale doit également se mesurer à cette aune.
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Investir au lieu de donner – de nouvelles formes de soutien en diaconie

Les dons et les investissements suivent des logiques de base différentes. Si les dons sont des actes de charité qui ne doivent pas être remboursés, les placements sont fondés, eux sur le marché et sont assujettis à une obligation de remboursement. À première vue, ces deux mondes paraissent inconciliables. En y regardant de plus près, on constate cependant des synergies intéressantes. Point sur la question par Marc Baumann, avocat, membre du groupe de travail « bases et recherche » de la conférence « Diaconie Suisse ».

Donner et investir
Le don est un acte de charité classique qui se caractérise par le fait qu’une personne ayant des moyens financiers apporte une aide à une personne dans le besoin. Il y a donc un fossé entre, d’un côté, le donneur et, de l’autre, le receveur. Le bénéficiaire n’est soumis à aucune obligation de remboursement mais généralement à une obligation implicite de gratitude. L’investissement crée un réseau de lien différent. Il est fondé sur le marché et doit être remboursé. L’investisseur investit dans un projet parce qu’il fait confiance à l’emprunteur pour générer un rendement avec les fonds reçus et pour rembourser le capital. L’investissement permet d’établir une relation plus durable, fondée sur le partenariat. L’obligation de remboursement et la rareté des fonds conduisent à une plus grande responsabilité et à plus de coopération. Néanmoins, les dons et les investissements ne sont pas nécessairement en opposition, chacun a son champ d’application. Les activités en Roumanie de la Mission chrétienne pour les pays de l’Est l’illustrent fort bien.

La Mission chrétienne pour les pays de l’Est est active en Roumanie depuis des décennies. Jusqu’à la chute de Nicolae Ceaușescu en 1989, ses activités se concentraient sur le transport de biens de première nécessité, de bibles et sur le soutien de foyers pour enfants. De nouvelles libertés ont émergé à l’ouverture du pays, en 1989, véritable défi pour des personnes ayant grandi dans un régime communiste. L’expérience et les connaissances pour le développement des structures économiques ainsi que pour la création et l’organisation d’entreprises manquaient, mais, dans le même temps, beaucoup de gens voulaient atteindre rapidement la prospérité matérielle. Dans ce contexte, de nombreuses subventions n’ont pas été utilisées pour assurer un développement économique durable mais pour l’achat de biens de consommation. Il était donc crucial que les subventions soient conçues comme des investissements. L’utilisation et le remboursement appropriés des fonds ont été assurés par des gages de créance, une surveillance étroite des emprunteurs et une formation obligatoire à la gestion d’entreprise et à l’éthique commerciale. Le succès a été si retentissant que l’organisation s’est également vu confier des fonds publics qui, jusqu’à présent, dans une logique de don, avaient été presque tous utilisés sans effet durable. Cette manne financière a conduit à la fondation de la banque de microfinance Romcom SA. La banque, dont la majorité appartient à une fondation d’utilité publique en Roumanie, a ensuite été agrandie avec l’aide d’Invethos SA, un gérant de fortune bernois spécialisé dans les placements éthiques. Romcom SA est un bon exemple de transition d’un programme basé sur les dons vers une stratégie d’investissement. En fin de compte, les deux poursuivent les mêmes objectifs. Ils veulent permettre aux personnes en marge de la société de vivre dans la dignité et de participer à la vie sociale. Cependant, il y a un temps pour donner et un temps pour investir.

«Le bénéficiaire du don n’est soumis à aucune obligation de remboursement mais généralement à une obligation implicite de gratitude.

Investissements sociaux

Les investissements dans des entreprises telles que Romcom SA sont appelés investissements sociaux ou Impact Investments. Ces investissements combinent la réalisation d’objectifs sociaux avec une logique d’investissement basée sur le marché. Ils se caractérisent par le fait que les objectifs sociaux doivent être atteints par des mesures actives et se distinguent donc de la vaste mer d’investissements durables, qui tendent à fonctionner selon le principe qu’il faut éviter tout dommage. Cette pratique est portée par la conviction qu’une logique d’investissement peut aider à faire le meilleur usage possible de ressources limitées, dans une optique de résultats. La conception en tant qu’investissement ouvre également la possibilité pour toutes les parties concernées de travailler ensemble à la résolution des problèmes sociaux. C’est le cas, par exemple, du Social Impact Bond dans le canton de Berne, lancé en 2015 par l’association Fokus Berne en collaboration avec Invethos AG.

Social Impact Bond du canton de Berne
(voir image ci-contre)
Le Social Impact Bond du canton de Berne (SIB) a pour but d’intégrer et de former les réfugiés reconnus et les personnes au bénéfice d’une admission provisoire sur le marché du travail. Le taux de réussite est mesuré par rapport à des objectifs prédéfinis d’intégration et de formation. Si ces objectifs sont atteints ou dépassés, les investisseurs reçoivent leur capital et un intérêt. S’ils ne sont pas atteints, les investisseurs perdent une partie de leur capital et ne reçoivent aucun intérêt. Il en va de même pour le prestataire de services, qui dispose également d’un bonus et d’un malus. Cette mesure vise à inciter le fournisseur de services à atteindre le taux de réussite et, inversement, à réduire l’incitation à garder les clients plus longtemps dans l’institution.

Un autre objectif du SIB est de comparer différentes méthodes d’intégration. Idéalement, les SIB favorisent l’innovation et encouragent l’expérimentation. Le SIB est également bien adapté à l’expérimentation car, en cas d’échec, les coûts du secteur public diminuent et les pertes sont, pour une fois, privatisées (donc à la charge de l’investisseur). Le SIB est plus efficace lorsque de nouvelles solutions nécessitent la participation du secteur privé. La structure du SIB est similaire à celle d’un partenariat public-privé. Dans le SIB du canton de Berne, cela se traduit par l’intégration de l’Association d’entrepreneurs bernois Fokus Berne, qui sert de lien avec le monde des affaires dans la recherche d’emplois. Le SIB est aussi une manière d’affirmer haut et fort que certains défis ne peuvent être résolus qu’ensemble et qu’ils exigent la contribution de chacune et chacun.

 

Witikon; Wikimedia/Roland zh
 

En français: Investisseurs – État/Dpt Santé et action sociale – Fournisseurs de prestations – Réfugié-es – Marché du travail. En bas à gauche: échec, à droite: succès

 

Diaconie
Peut-être que les réflexions sur le sujet pourraient donner un coup de pouce à la réflexion sur de nouvelles formes de soutien dans le domaine de la diaconie et à l’envie d’expérimenter. La participation du secteur privé peut servir à résoudre des problèmes et à dégager des ressources qui augmentent considérablement la gamme des effets. La façon de penser de l’investissement se caractérise par la grande confiance que l’on accorde à son homologue.
 

Cet homologue est un partenaire sur un pied d’égalité, en qui l’on peut avoir confiance pour agir de manière indépendante et responsable. C’est en cela que réside une revalorisation fondamentale de la personne. Le but de tout investissement social est l’autonomisation et l’indépendance de l’autre et non sa dépendance. L’action diaconale doit également se mesurer à cette aune.

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