Dans son dernier rapport sur le contrôle de l’exécution des décisions en matière de droit des étrangers pour l’année 2024, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a constaté de nombreux dysfonctionnements dans le domaine des renvois forcés par voie aérienne. La commission critique notamment la pratique en matière d’information des personnes concernées et les lacunes en matière de communication linguistique. « Les personnes faisant l’objet d’un renvoi forcé ne sont généralement informées de leur renvoi imminent qu’au moment de leur arrestation », indique la commission dans son communiqué. Cela entraîne une grande incertitude et augmente le risque de conflits et d’escalades pendant l’exécution.
Entre janvier et décembre 2024, la CNPT a accompagné au total 53 renvois forcés de niveau 4 sur des vols spéciaux et 13 autres renvois de niveaux 2 et 3. Au total, 51 familles avec 97 enfants ont été concernées. Pour la première fois depuis plusieurs années, le seuil des 50 vols spéciaux a été dépassé, ce que la NKVF considère comme une « évolution préoccupante ».
Selon le rapport, dans de nombreux cas, l’information préalable fait défaut. Bien que l’ordonnance sur les mesures de contrainte prévoie que les personnes concernées doivent être informées quelques jours avant le renvoi lors d’un entretien préparatoire, cette pratique est souvent contournée pour des raisons tactiques. Selon la CNPT, l’absence de tels entretiens peut augmenter considérablement le risque de résistance et donc de mesures de contrainte. « Une information en temps utile permet aux personnes concernées de se préparer et d’avertir leurs proches », indique le rapport.
Un autre problème central concerne la communication linguistique. Dans plusieurs cas, des enfants ont été utilisés comme interprètes, une pratique que la CNPT rejette catégoriquement. Dans un cas documenté, un garçon de 14 ans a dû assurer la communication entre ses parents et les agents de police qui les accompagnaient, ainsi qu’avec le personnel médical. « Les enfants ne doivent en aucun cas être utilisés comme traducteurs », a déclaré la commission dans son communiqué. Souvent, les autorités ont plutôt eu recours à des programmes de traduction sur téléphone portable, qui, selon la CNPT, ne sont pas suffisants pour transmettre des informations précises dans des situations stressantes.
Le recours à des mesures coercitives reste également un point critiqué. Selon le rapport, les agents de police ont globalement agi de manière professionnelle et respectueuse, mais la commission a continué d’observer des cas de menottes utilisées de manière systématique ou préventive, même sur des personnes coopératives. Cela pose particulièrement problème dans le cas des familles et des enfants. Lors de plusieurs renvois, par exemple, des personnes ont été partiellement ou entièrement menottées alors qu’elles se comportaient calmement. La CNPT critique particulièrement l’utilisation de la ceinture Kerberos, un moyen de contention qui restreint considérablement la liberté de mouvement. « L’utilisation systématique de telles mesures est disproportionnée du point de vue des droits humains », constate la commission.
La CNPT déplore également le manque de confidentialité des examens médicaux, qui sont régulièrement effectués en présence de personnel policier. Cela porte atteinte au droit à la vie privée des personnes concernées. Dans certains cas, des aides ou des médicaments de réserve n’étaient pas disponibles pour les soins médicaux, ce qui entraîne des risques supplémentaires pour la santé.
La CNPT demande donc une série d’améliorations, notamment la tenue systématique d’entretiens préparatoires au moins 72 heures avant un renvoi prévu, la garantie de services de traduction professionnels et un recours plus restrictif aux mesures de contrainte, qui devraient être fondées exclusivement sur une évaluation individuelle des risques. Il est particulièrement important de protéger les enfants contre les mesures coercitives et les missions d’interprétation et de toujours leur fournir des informations adaptées à leur âge. Dans l’ensemble, la commission constate que l’exécution des renvois forcés doit se faire « dans le respect de la dignité humaine et des normes internationales ».