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Le projet de révision du droit pénal relatif aux infractions sexuelles sous le feu de la critique

Fév 8, 2021 | Archive, Enfants, familles, Questions de genre et d’égalité

La Commission des affaires juridiques du Conseil des États vient de mettre en consultation une proposition de révision du droit pénal relatif aux infractions sexuelles. Il s’agit de diverses adaptations du cadre légal et de modifications concernant les éléments constitutifs d’une infraction, c’est-à-dire la définition d’un comportement punissable, notamment dans le cas du viol. La sollicitation d’enfants à des fins sexuelles devrait être désormais explicitement punissable.

Le projet prévoit de créer un nouvel élément constitutif d’une infraction : un rapport sexuel non consenti (soit contre la volonté d’une personne ou par surprise) serait sanctionné comme une « atteinte sexuelle » (art. 187a CP), au lieu d’un viol. Cette disposition est notamment critiquée par Amnesty International car « elle ne rend pas justice aux victimes de violences sexuelles et ignore les obligations de la Suisse en matière de droits humains ». Cette nouvelle infraction, considérée comme un délit, serait assortie d’une peine plus légère que celle prévue pour un viol, considéré comme un crime.

Douze pays européens reconnaissent déjà un rapport sexuel non consenti comme un viol. Selon l’organisation de défense des droits humains, « le projet [soumis à consultation] est une occasion manquée d’établir sans équivoque que l’injustice fondamentale d’une agression sexuelle ne réside pas dans la contrainte ou la violence, mais dans le non-respect de l’autodétermination sexuelle. Ce projet ne répond pas aux obligations de la Suisse en matière de droits humains, notamment celles fixées dans la Convention d’Istanbul », explique l’ONG dans un communiqué.

Ce projet de loi crée en quelque sorte de « faux viol », avec une peine plus légère. Dans certains cas, la gravité de la peine dépendra alors du comportement de la victime : si la personne accusée n’a pas eu besoin de recourir à un moyen de contrainte, du fait qu’elle a profité d’un état de surprise ou de choc ayant empêché la victime de se défendre, elle risquera au maximum trois ans de prison contre dix actuellement pour un viol. Selon Amnesty, « cette manière d’envisager les violences sexuelles est dépassée et méconnaît la réalité. Le signal envoyé aux victimes risque d’être dévastateur : si vous ne vous êtes pas défendue, l’agression que vous avez subie est considérée comme moins grave ».

Contrairement à des mythes encore répandus dans la société selon lesquels les viols sont majoritairement commis par des inconnus, avec un recours à la violence au détour d’une rue sombre, la plupart des agressions surviennent en réalité dans la sphère privée dans des moments en premier lieu paisibles. L’une des réactions naturelles des femmes concernées est un état de choc ou une paralysie que l’on appelle « freezing » ou sidération. Ce n’est que dans de très rares cas qu’elles résistent physiquement. La plupart des auteur·e·s n’ont ainsi pas besoin de recourir à la force, profitant de l’état de stress ou de choc de la victime et de leur relation de confiance.

Le projet envisage également de définir la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles (« pédopiégeage ») comme une infraction. Il est proposé que quiconque fait des préparatifs en vue d’une rencontre avec un enfant soit puni d’une peine pécuniaire (art. 197a CP). Quant à la peine privative de liberté pour des actes d’ordre sexuel avec des enfants de moins de douze ans, elle doit être d’au moins un an, de manière à durcir la peine encourue pour certains types d’infractions. Par ailleurs, il est proposé que la fabrication, la transmission ou la possession de matériel pornographique impliquant des mineurs puisse ne pas être punissable dans certaines conditions, de sorte que les mineurs ne soient pas inutilement considérés comme des criminels.

La procédure de consultation dure jusqu’au 10 mai 2021.