Égalité des salaires : une question de culture d’entreprise

Égalité des salaires : une question de culture d’entreprise

Les femmes gagnent moins que les hommes. Ces différences ne sont pas toutes explicables. Selon le Conseil fédéral, il s’agit d’une discrimination. Des études montrent que la transparence dans les négociations sur les salaires peut être utile. L’égalité va donc de pair avec la transparence. Un aperçu du problème.
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Égalité des salaires : une question de culture d’entreprise

Les femmes gagnent moins que les hommes. Ces différences ne sont pas toutes explicables. Selon le Conseil fédéral, il s’agit d’une discrimination. Des études montrent que la transparence dans les négociations sur les salaires peut être utile. L’égalité va donc de pair avec la transparence. Un aperçu du problème.

Une différence de salaire de 19,1% entre hommes et femmes …

Un salaire égal pour un travail égal est une obligation inscrite depuis le 14 juin 1981 dans la Constitution fédérale. Trente-six ans plus tard, l’égalité n’est pas encore une réalité, loin de là. La part « inexplicable » des écarts de salaire entre les sexes est aujourd’hui de 7,4% et représente selon le Conseil fédéral une discrimination. La proportion a toutefois diminué depuis 1998, puisqu’elle était alors de 9,9%.

Selon la dernière grande enquête effectuée en Suisse, en 2014, les femmes gagnaient en moyenne, dans le secteur privé, 19,1% de moins que les hommes. L’écart se comble lentement, mais continuellement, précise le Conseil fédéral. Cette différence correspond à 1 800 francs. Dans 61% des cas, elle s’explique par les années de service, le niveau de formation, le niveau d’exigences et d’autres facteurs.

Les femmes gagnent moins parce qu’elles sont sous-représentées dans les emplois exigeants et les postes de cadres et sont davantage employées que les hommes dans des branches à bas salaires. Le Conseil fédéral observe que malgré une tendance à l’égalisation, les femmes ont encore un niveau de formation moins élevé, exercent des activités moins bien rétribuées et possèdent une moins grande expérience dans l’entreprise que les hommes. Beaucoup de femmes se chargent en outre de tâches familiales qui les éloignent momentanément ou définitivement du marché de l’emploi. Leurs perspectives quant au revenu s’en trouvent réduites d’autant. Parmi les personnes avec plus de vingt ans de service dans une entreprise, les femmes sont « très nettement sous-représentées ».

Dans la comparaison entre les régions, c’est Zurich qui montre les plus grands écarts salariaux entre les sexes, avec près de 30%. Les plus faibles écarts sont observés dans le l’espace Mittelland (20%).

Il y a enfin des différences très nettes en fonction de l’état civil : les femmes mariées gagnent 31% de moins que les hommes mariés. Ayant repris un emploi après une interruption ou étant engagées à temps partiel, elles occupent souvent des postes moins bien rétribués. Parmi les célibataires, les femmes gagnent en moyenne 9,5% de moins que les hommes.

L’écart salarial de 7,4% entre hommes et femmes est inexplicable. C’est donc sans raison que les femmes gagnent par mois 677 francs de moins que les hommes.

… et 7,4% de cet écart ne s’expliquent pas

Près de quarante pour cent de ces 19,1% ne s’expliquent pas. C’est donc sans raison que les femmes gagnent par mois 677 francs de moins que les hommes. Le Conseil fédéral voit dans cet écart une discrimination en raison du sexe. Pour une bonne partie, il s’agit du salaire de base, c’est-à-dire du revenu des personnes sans expérience ni qualification. Pour les femmes, le salaire de base est de 5% moins élevé que chez les hommes. Quant au reste, il s’agit de la « rétribution inégale de certains facteurs ».

D’une branche à l’autre, il y a des écarts importants. Dans la santé et le travail social, par exemple, le « taux de discrimination » est inférieur de dix pour cent à la moyenne nationale. Dans le commerce de détail, l’hôtellerie, l’éducation et l’enseignement, il est plus élevé que la moyenne, environ dix pour cent de plus. Dans l’industrie chimique, la différence est de plus de trente pour cent.

Reconnaissant l’égalité salariale comme un « objectif majeur », le Conseil fédéral a adopté au début juillet un message sur la modification de la loi sur l’égalité. Les entreprises du secteur privé ou du secteur public qui comptent plus de cinquante employés devront effectuer tous les quatre ans une analyse de l’égalité des salaires, la faire vérifier par un organe indépendant et informer du résultat. L’idée est d’« inciter les entreprises à adapter leur système salarial de manière à réaliser le droit constitutionnel à un salaire égal pour un travail de valeur égale ». Cela concernera 2% des entreprises suisses, qui emploient 54% de tous les salariés. Autrement dit, pour près de la moitié des personnes employées, cette mesure ne s’appliquera pas.

Égalité des salaires : des mesures politiques contestées

« La méthode utilisée par l’Office fédéral de la statistique pour calculer les différences de salaires entre hommes et femmes ne permet de tirer aucune conclusion probante sur la discrimination salariale. » Telle a été le commentaire donné par l’Union patronale suisse (UPS) à l’initiative du Conseil fédéral. Pour elle, « exiger sur la base des données actuelles des mesures politiques (…) ne se justifie donc pas ». L’étude confiée par l’UPS à l’Université de Berne ôterait sa validité au document présenté par le Conseil fédéral.

Cette étude reproche aux autorités politiques de n’avoir pas pris en compte tous les facteurs : ainsi, des facteurs comme l’expérience professionnelle effective, les interruptions d’activité lucrative, une éventuelle seconde formation ou la rentabilité de l’entreprise n’ont pas été analysés. La préférence des femmes, en raison d’obligations familiales, pour le travail à temps partiel, et leur orientation plus marquée vers des activités dans des branches à faible création de valeur sont d’autres facteurs encore qui expliquent les salaires moins élevés des femmes. Il faudrait également tenir compte de facteurs plus subjectifs comme le goût moins prononcé chez les femmes pour la carrière, leurs attentes moins élevées en matière de salaire, leur plus grande hésitation à prendre des risques et leur réticence envers les situations de concurrence.

Lohngleichheit: Eine Frage der Unternehmenskultur
Selon Valentin Vogt, président de l’UPS qui s’est exprimé dans la NZZ, au lieu de se fonder sur une base contestable pour exiger des mesures politiques, il convient plutôt de créer des conditions incitatives afin qu’il y ait moins de femmes dans les activités à faible revenu et davantage dans les secteurs lucratifs où il manque de personnel qualifié.
Le même article donne cependant aussi la parole à Thomas Meier, conseiller d’entreprises à Saint-Gall, qui fait remarquer que l’étude bernoise ne donne pas de réponse à la question la plus importante, à savoir « si le principe constitutionnel “à travail égal, salaire égal” est vraiment respecté par les employeurs ».
Lohngleichheit: Eine Frage der Unternehmenskultur

Est-ce vraiment la faute des femmes si elles gagnent moins ?

Discrimination ou différence de salaire explicable ? Les opinions divergent considérablement et sont défendues avec conviction. Il subsiste néanmoins l’impression qu’une partie des écarts est inexplicable et malgré tout imputable au sexe.

La NZZ a donc récemment posé la question : « Est-ce vraiment la faute des femmes si elles gagnent moins ? » L’article cite un industriel britannique, Sir Philip Hampton, selon lequel les femmes demandent moins souvent une augmentation de salaire. Cette thèse trouve sa confirmation dans une analyse des premiers salaires, effectuée par des étudiants de maîtrise de la Carnegie Mellon University : au terme de cette étude, il est apparu que 57% des hommes diplômés, mais seulement 7% des femmes diplômées ont demandé un salaire plus élevé que celui proposé. La différence dans le salaire négocié correspond presque exactement à la différence entre le premier salaire des hommes et des femmes.

L’approche a quand même quelque chose d’un artifice rusé. Elle rejette la faute sur les femmes et déplace le problème sur un autre plan, celui de la négociation salariale. Il faudrait ici plutôt se demander si l’employeur, dans les entretiens d’embauche, ne propose pas des montants différents selon le sexe.

Plus de transparence pour moins d’inégalités

Une étude de la Harvard Kennedy School est parvenue à des résultats intéressants. Plus les employeurs font preuve de transparence dans la question de la marge de négociation salariale, moins il y a d’inégalité entre les sexes. Selon Hannah Riley Bowles, il y a une corrélation entre manque de clarté dans la négociation et déclencheur social d’un certain comportement. Mais lorsque les choses sont dites en toute clarté, le décalage dû au sexe ne joue plus aucun rôle pour les femmes.

Finalement, pour Riley Bowles, après plus de vingt-cinq ans de recherches, il est inutile de se cantonner dans les stéréotypes sur les sexes. Il est temps de passer à l’étape suivante et de trancher les nœuds là où il y en a : pour ce qui concerne les négociations salariales, cela ne signifie rien d’autre que de faire preuve de transparence.

La loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes va être soumise au Parlement. Sa modification pourra créer des incitations à corriger les différences et à instituer une égalité salariale. La législation ne prévoyant ni contrôle de la part de l’État, ni obligation d’informer, cette responsabilité appartient toutefois aux entreprises. L’État n’intervient donc pas dans la vérification. Or les études et analyses récentes amènent à supposer qu’il faut d’autres instruments en plus du contrôle interne en entreprise. Plusieurs de ces instruments relèvent de la culture d’entreprise.

 

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