Ministères et consécration, de part et d’autre de la Sarine

Ministères et consécration, de part et d’autre de la Sarine

Diaconie Suisse prend prétexte d’une journée de l’association pour le droit ecclésiastique protestant pour se pencher sur les questions de consécration et d’articulation de deux ministères essentiels à la vie de l’Église, le pastorat et le diaconat. On parle toujours d’un modèle romand (diacre = pasteur « light »), mais est-ce bien pertinent ? Le « Sozialdiakon » alémanique est-il toujours en charge du « travail social » dans sa paroisse ? Nous tentons d’y voir plus clair.

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Ministères et consécration, de part et d’autre de la Sarine

Diaconie Suisse prend prétexte d’une journée de l’association pour le droit ecclésiastique protestant pour se pencher sur les questions de consécration et d’articulation de deux ministères essentiels à la vie de l’Église, le pastorat et le diaconat. On parle toujours d’un modèle romand (diacre = pasteur « light »), mais est-ce bien pertinent ? Le « Sozialdiakon » alémanique est-il toujours en charge du « travail social » dans sa paroisse ? Nous tentons d’y voir plus clair.

La formation professionnelle des pasteurs et des diacres est assurée pour toute la Suisse romande par l’Office protestant de la formation (OFP). La consécration reste toutefois une attribution historique des Églises cantonales et il n’existe pour l’instant pas de texte romand d’accord sur le sens de la consécration, la question étant complexe.

C’est la diversité qui prévaut
La diversité prévaut pour ce qui est de l’articulation entre diaconat et pastorat, mais, quoi qu’il en soit, le diaconat est un ministère consacré en Suisse romande, au service de la mission diaconale de l’Église, avec trois accents : social, relationnel et accompagnement spirituel (aumônerie). En bref : le diacre est expert en lien social et communautaire, la pasteure experte des questions de sens, bien que ces axes vertical (sens) et horizontal (lien) qui parcourent l’Évangile se recoupent inévitablement. Les deux ministères ont, en Suisse romande, une « dignité » équivalente, tout est question de posture !

Environ une vingtaine de candidates et candidats suivent tous les deux ans le cycle de qualification professionnelle en Suisse romande ; actuellement, les pasteurs sont un peu plus nombreux (env. 65%), il y a quelques années, les diacres étaient plus nombreux.

Matériel

« Le diacre est expert en lien social et communautaire, la pasteure experte des questions de sens, bien que ces axes vertical (sens) et horizontal (lien) qui parcourent l’Évangile se recoupent inévitablement. Les deux ministères ont, en Suisse romande, une « dignité » équivalente, tout est question de posture !

Formation professionnelle au ministère
Les candidates et candidats au diaconat dans les Églises de la CER (sauf Jura) doivent, pour entamer leur qualification spécifique, bénéficier d’une formation théologique donnée par les Églises (par ex. Cèdres Formation de l’Église vaudoise, Explorations théologiques pour les Églises de BE-JU et NE ou équivalent) et réalisable en cours d’emploi.

La personne candidate doit également avoir une première qualification professionnelle dans le domaine social, de la santé ou de l’éducation (ou expérience équivalente).

Avant son entrée en stage, le futur diacre suit un parcours de préparation de 16 jours puis un stage de 18 mois dont 60 jours de formation et des évaluations régulières. Dans ce cadre, 20 jours sont communs avec les candidats au ministère pastoral.

La formation est validée par un diplôme « de formation diaconale » et permet la demande de consécration dans une Église de la CER.

Place de la consécration : trois modèles
Même si chaque Église peut se targuer de spécificités, il est possible de dégager trois modèles en Suisse romande. Leur spécificité porte avant tout sur le moment de la consécration dans le parcours du futur pasteur ou du futur diacre, moins sur la compréhension théologique de la consécration ou sur la liturgie du culte de consécration.

BE-JU-SO
La consécration pastorale a lieu immédiatement à la fin de la formation initiale, lors de la prise du premier poste. La consécration est généralement célébrée de manière individuelle, dans la paroisse où exerce le ou la pasteur*e. La cérémonie constitue en même temps une validation des compétences professionnelles de la personne et une reconnaissance de sa vocation.

VD-NE-VS
À la fin de sa formation professionnelle, le pasteur, le diacre exerce pendant une période dite de « suffragance » de deux ans ; à l’issue de cette période, une cérémonie collective de consécration, célébrée dans un lieu de culte emblématique a lieu. Ce modèle opère une distinction entre l’attestation de compétences et l’appel personnel ou vocation.

FR
La période de suffragance est variable puisque c’est la paroisse qui engage diacres et pasteurs.

GE
Genève ne connaît pas de suffragance, et à l’EPG, la consécration n’est pas obligatoire. Cette pratique remonte à une cinquantaine d’année, alors qu’une génération de pasteurs avait refusé d’être consacrée. Elles et ils voulaient lutter contre le cléricalisme et revaloriser la notion chère aux Réformateurs de sacerdoce universel de tous les baptisés. Le plus souvent aujourd’hui, la consécration est le fruit d’une démarche collective et concerne autant les diacres que les pasteurs.

Un acte collégial et ecclésial
Pour le pasteur Didier Halter, directeur de l’Office protestant de la formation de la CER, le principe de la consécration n’est aujourd’hui plus remis en cause. Pour les jeunes, la consécration représente même le point cardinal de la construction de leur identité professionnelle. La pratique collective restera probablement la norme et les pratiques ecclésiales s’harmoniseront de plus en plus.

Champs d’activité des diacres
Les Églises de Genève et de Neuchâtel tiennent explicitement à conserver les spécificités du ministère diaconal. Dans le canton de Vaud, la situation est un peu différente et de nombreux diacres occupent des postes pastoraux.

Cela s’explique d’une part par la pénurie de pasteur*e*s et, d’autre part, par le fait qu’il n’y a pas, en Suisse romande, de deuxième voie, plus rapide ou en cours d’emploi, de formation au pastorat pour les vocations tardives, contrairement à la Suisse alémanique.

En terme de salaire toutefois, seuls GE et NE traduisent en chiffres l’égalité de dignité des deux ministères. En Valais, le montant du salaire est lié au fait d’avoir ou non une formation universitaire. Dans le canton de Vaud, les pasteurs sont mieux payés que les diacres.

En Suisse alémanique
L
es Églises alémaniques connaissent aussi les deux ministères que sont le pastorat et la diaconie, souvent qualifiée de sociale, ce qui donne déjà une idée de l’orientation thématique [non exclusive] de ce dernier ministère/service. Pour le reste, les situations et les règlements sont extrêmement divers, la taille de l’Église expliquant en partie les différences. La question de l’articulation entre pastorat et diaconat se pose partout, quel que soit le modèle en vigueur.

AG, FR, GR, SG, SH et TG
La diaconie sociale est un ministère consacré comme le pastorat. Les règlements ecclésiaux lui confèrent la même valeur et la positionnent au même niveau : les deux types de « ministre » sont élus par la paroisse et impliqués dans la direction de l’Église, tous deux ont dans la plupart des cas une obligation de résidence. Les tâches de l’un et de l’autre sont spécifiques mais les droits et les devoirs liés à l’ordination sont les mêmes … sauf pour ce qui est du salaire et du nombre de personnes exerçant ces tâches, les pasteurs étant largement majoritaires !

Théologiquement, l’équivalence se fonde sur l’idée que l’annonce de l’Évangile, le « service aux pauvres » et la direction de la communauté constituent les trois piliers inséparables du ministère paroissial à la suite du Christ.

Les six Églises cantonales se distinguent dans la façon de célébrer l’ordination de leurs ministres. Seule l’Argovie organise une célébration commune, avec  une promesse spécifique pour chaque service. Les autres organisent des célébrations distinctes.

BE-JU-SO, BL, LU, SO et ZH
Ces Églises prévoient, quant à elles, confient une mission à leurs diacres qui ont des droits et des devoirs spécifiques ; ils ne sont pas élus mais engagés par la paroisse. Ce modèle vaut pour toute une série de missions ecclésiales, à Berne par ex. pour les catéchistes et à Zurich pour les musiciens d’Église également. L’intégration dans le service de l’Église a lieu durant un culte, une façon de souligner publiquement la reconnaissance de l’Église pour cette mission. En général, l’intégration est liée au poste de travail ; le pasteur, lui, reste consacré même lorsqu’il change de travail, voire d’Église.

Dans certaines Églises, le diacre peut choisir s’il ou elle souhaite être intégré dans le service de l’Église.

AR/AI, GL, NW, OW, ZG et SZ
Les petites Églises cantonales de Suisse centrale mentionnent seulement le ministère pastoral dans leurs ordonnances. Ce serait à la paroisse de déterminer les rôles et fixer les compétences des collaborateurs socio-diaconaux et de décider des modalités de leur intégration au service ecclésial. Cette absence de règlementation est probablement liée à la petite taille de ces Églises et des paroisses : la question de la diversification des services ne se pose le plus souvent même pas.

 

« La nécessité de pallier la pénurie de pasteur*e*s et d’innover pour répondre à l’évolution de la société vaut pour l’ensemble du territoire suisse.

Émergence de nouveaux ministères
Les Églises sont confrontées à des changements profonds. Il en découle de multiples stratégies d’innovation qui conduiront à l’émergence de nouveaux ministères. Les Églises seront inévitablement confrontées à s’interroger sur la consécration et sur les formes de reconnaissance théologique, liturgique et règlementaire qu’elles leur accorderont.

En conclusion
La Suisse alémanique connaît un standard de formation commun pour la diaconie [sociale] mais les conceptions de cette mission varient énormément, malgré cette base commune. Les tâches, les spécificités et l’articulation entre deux ministères qui devraient être complémentaires varient elles aussi beaucoup. Il y a autant de diversité au sein de la Suisse alémanique qu’entre régions linguistiques : on ne peut donc pas parler d’un modèle romand qui serait différent de tous les autres !

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