Inédit en Suisse romande, l’Observatoire des précarités vise à documenter la situation des personnes qui passent entre les mailles du filet social et à améliorer leur protection. Le CSP Vaud en est partie prenante et met notamment l’accent sur le non-recours aux prestations.

 

Sans-papiers, travailleurs et travailleuses de l’économie domestique non déclaré.e.s, mais également personnes vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté. Ils et elles sont nombreux.ses dans le canton de Vaud, mais également dans les autres cantons suisses, à vivre dans la précarité, voire même dans la pauvreté, échappant aux filets de sécurité existants. Mises en lumière en 2020 par la pandémie, ces situations peuvent désormais faire l’objet d’analyses scientifiques menées par l’Observatoire des précarités, lancé l’année dernière dans le canton de Vaud par la Haute école du travail social et de la santé à Lausanne (HETSL), en collaboration avec les autorités cantonales et diverses associations comme le Centre social protestant (CSP), Caritas ou encore la Fondation Mère Sofia à Lausanne.

Récemment, c’est la thématique du recours ou du non-recours aux prestations sociales qui a intéressé cette nouvelle structure. « De nombreuses personnes étrangères n’ont pas recours à l’aide sociale car elles craignent un non renouvellement de leur permis de séjour. Elles ont également des craintes si elles demandent des subsides à l’assurance maladie par exemple. Ou alors elles ont peur de voir leur statut mis en danger par une demande de bourse d’études pour leur enfant»,  souligne Caroline Regamey, responsable de politique sociale et recherche au Centre social protestant vaudois.

Le rôle du CSP est précisément de rendre visibles ces problématiques méconnues et de les faire remonter vers les pouvoirs publics et dans l’espace public. L’organisation protestante est active sur ces questions depuis plusieurs années déjà et développe actuellement avec des partenaires un projet pour le canton, visant à améliorer les réponses en matière d’informations sociales et d’accessibilité aux prestations.

« La méconnaissance de leurs droits, d’éventuelles difficultés à déchiffrer le français ou même à se projeter en tant que potentiel bénéficiaire d’une aide sociale, peuvent empêcher certaines personnes à comprendre les informations d’un site internet et donc restreindre leur accès à certaines prestations sociales », relève encore Caroline Regamey.

 

Un pont entre le terrain et la recherche

 

Mais l’Observatoire des précarités se penche également sur des questions comme celles de la migration, de la santé précaire ou du logement, thématiques qui rassemblent les chercheurs et chercheuses ainsi que les associations présentes sur le terrain, permettant de créer des ponts et de relier des observations qui viennent alimenter analyses et réflexions.

Car toutes ces problématiques soulèvent également des questions d’organisation de la politique sociale et permettent de mettre le doigt sur les lacunes, les zones mal délimitées ou les besoins non couverts. « Cela permet notamment de faire avancer les réflexions autour de l’État social en s’appuyant sur l’organisation de la solidarité sur le terrain ».

Ainsi, fin 2020, le CSP a monté avec différents partenaires, dont l’Asloca Vaud (association suisse d’aide aux locataires) une association vaudoise pour la sauvegarde des logements de personnes en situation précaire. Suite à l’arrêt de leurs activités après les semi-confinements, de nombreuses personnes se sont en effet retrouvées en situation d’insécurité de logement, voire en danger d’expulsion. L’association intervient par de la sensibilisation et de la prévention, par des accompagnements personnalisés, qui peuvent aller jusqu’à une médiation avec les bailleurs pour renégocier des loyers parfois totalement abusifs. L’Observatoire des précarités a reçu un mandat pour justement évaluer le rôle et la place de ce dispositif dans l’action sociale vaudoise.

Le CSP soutient également les personnes ou les familles sur le fil du rasoir. Juste en dessus du seuil de pauvreté, elles ne peuvent prétendre à l’aide sociale. Une grosse facture de dentiste peut parfois faire basculer leur budget. De fait, selon le CSP, 20% de la population ne peut pas faire face à une dépense imprévue de 2’000 francs. Il est possible d’obtenir une aide financière des services sociaux, mais les procédures sont souvent très compliquées et très lentes. Il arrive donc au CSP de dépanner, de façon ponctuelle, ce genre de bénéficiaires.

 

Améliorer la protection sociale

 

Ce type d’aides requiert toutefois des aides financières de fondations privées. Les travailleuses et travailleurs sociaux du CSP déploient souvent énormément d’énergie pour obtenir l’argent nécessaire qui évitera à des personnes en situation précaire ponctuelle de tomber plus durablement dans la pauvreté, parce qu’elle auraient été mises aux poursuites, faute par exemple d’avoir réglé certaines factures à temps.

Un rôle qui devrait incomber davantage aux pouvoirs publics qu’à des associations comme le CSP, estime Caroline Regamey. L’Observatoire des précarités permet de mieux comprendre ces réalités, et de compléter les observations, sachant qu’il n’existe actuellement aucune statistique complète sur les aides directes.

Evidemment, des financements sont nécessaires pour assurer les recherches conduites par l’équipe de l’Observatoire.

A terme, l’objectif de cette structure est d’apporter des éléments utiles pour améliorer la protection sociale des personnes en situation précaire, note Caroline Regamey. Pour le CSP, l’Observatoire des précarités est finalement un moyen de plus de produire des observations qui seront prises en compte peut-être plus sérieusement par les autorités. Celles-ci ne réserveront en effet pas le même accueil à un rapport scientifique qu’à celui d’une association caritative.