Atteindre les seniors là où ils vivent, dans leur environnement quotidien. C’est l’objectif du travail mobile auprès des personnes âgées. La Fondation Paul Schiller a publié récemment un rapport qui examine un modèle novateur pour la politique de la vieillesse en Suisse.

Vieillir dans la dignité, vivre de façon autonome dans un environnement familier le plus longtemps possible et maintenir une intégration sociale : cela correspond aux objectifs des politiques actuelles en faveur des personnes âgées et aux souhaits de nombreux aînés. Dans de nombreuses régions, les municipalités mettent en place des services de soutien et d’aide pour faciliter cette intégration.

Cependant, ces services sont souvent sous-utilisés. Les programmes mobiles d’aide aux personnes âgées offrent aux collectivités locales de nouvelles possibilités d’entrer en contact plus efficacement avec les aînés et leurs familles. Pour exploiter pleinement ce potentiel, ces programmes devraient être intégrés aux services publics destinés aux aînés.

Une nouvelle publication de la Fondation Paul Schiller examine pour la première fois de manière systématique ce nouveau champ d’action, démontrant son importance pour la politique de la vieillesse et ses implications en lien avec la pratique de la diaconie en Suisse.

Intitulé « Travail mobile auprès des personnes âgées en Suisse – Un champ d’action innovant pour l’accompagnement au grand âge », cette étude publiée en septembre définit le travail mobile comme un « nouveau domaine innovant du travail social lié à l’âge, qui s’intéresse aux situations de vie individuelles des personnes âgées et favorise leur intégration sociale. »

Un concept fondé sur la proximité et la relation

Le travail mobile s’appuie sur les principes du travail social communautaire, du travail social de proximité et de l’animation socioculturelle. Concrètement, les professionnel·le·s se rendent visibles dans les espaces du quotidien : marchés, parcs, cafés de quartier, arrêts de bus, événements locaux. Ils écoutent, engagent la conversation, tissent des liens et orientent vers les services existants. Le cœur du concept est la relation humaine : créer la confiance, favoriser la participation, offrir un appui avant que la situation ne devienne critique. L’objectif : permettre aux personnes âgées de rester actrices de leur vie, connectées à leur communauté, et de vivre le plus longtemps possible à domicile dans la dignité.

Exemples de terrain : des liens qui changent tout

Le rapport présente plusieurs projets concrets. Ainsi à Aarau, le projet municipal MoA (Mobile Altersarbeit Aarau) a créé un espace de rencontre, le MoA Träff, coanimé par des seniors bénévoles. Résultat : les échanges spontanés qui y ont lieu au quotidien deviennent souvent de véritables relations d’amitié et d’entraide. Autre exemple à Bâle, où un animateur socioculturel du Quartiertreffpunkt Wettstein va à la rencontre des habitants âgés dans leur quartier. Sa présence régulière permet d’identifier les besoins précocement et de susciter des activités communes, parfois aussi inattendues qu’un déplacement collectif pour se rendre un spectacle.

Dans la région rurale du Gantrisch (BE/FR), une responsable régionale de la vieillesse, Lisa Loretan, sillonne les villages et participe aux événements locaux. Ses multiples rencontres informelles abaissent les barrières psychologiques et encouragent les personnes âgées à exprimer leurs besoins d’aide, souvent pour la première fois. Ces exemples démontrent que le travail mobile atteint sa cible en rejoignant souvent des personnes isolées, peu mobiles ou réticentes à solliciter les institutions. Il comble ainsi une lacune importante dans l’offre actuelle d’accompagnement.

Enseignements et recommandations

Le rapport identifie plusieurs facteurs de succès dans ce type de travail. Un ancrage local fort et un réseau de partenariat solide sont nécessaires, ainsi qu’une présence régulière et de long terme. Cette approche nécessite aussi l’implication de bénévoles et un soutien communal, ainsi qu’un financement stable. Or, beaucoup de projets suisses sont encore à l’essai et dépendent de financements temporaires. La Fondation Paul Schiller plaide donc pour que le travail mobile soit intégré de manière durable au service public. Les communes et cantons devraient l’inscrire dans leurs stratégies de politique de la vieillesse, à l’instar des offres pour la jeunesse ou le travail de rue. Une liste de contrôle pratique accompagne le rapport pour aider les collectivités à planifier et pérenniser ces dispositifs, en insistant sur la continuité, la visibilité et la proximité comme des conditions essentielles de réussite.

La Fondation souligne que le travail mobile constitue aussi un instrument stratégique pour la prévention auprès des personnes âgées. En détectant tôt les fragilités, il permet d’éviter des hospitalisations ou des placements précoces en institution. Selon des estimations, la Suisse manque chaque année de près de 20 millions d’heures de soutien aux personnes âgées, ce qui représente un coût potentiel de 1,6 milliard de francs. Des approches préventives comme celle-ci peuvent donc contribuer à maintenir la qualité de vie des seniors tout en réduisant les dépenses publiques liées à la dépendance.

Regards internationaux

Des initiatives comparables existent ailleurs. C’est le cas en Allemagne, où le projet SAVE à Munich pratique le streetwork auprès des aînés isolés. Au Danemark et aux Pays-Bas, des visites préventives à domicile sont proposées à tous les seniors de plus de 75 ans. En Autriche, un programme déploie des infirmières communautaires dans les communes. En France, l’initiative MONALISA mobilise bénévoles et associations contre l’isolement des personnes âgées. Il s’agit d’un regroupement de plus de 280 organisations, communes et initiatives qui créent ensemble des équipes de bénévoles chargées d’aller à la rencontre des aînés isolés.

L’idée est la suivante : des citoyennes et citoyens s’engagent dans leur voisinage et prennent soin, en tant que « parrains et marraines sociaux », des aînés vivant seuls. Le projet a bénéficié d’un soutien de l’État et a permis, en l’espace de trois ans, de mettre sur pied environ 200 équipes citoyennes dans 49 départements. Toutefois, MONALISA repose fortement sur la société civile et le bénévolat, tandis que le travail mobile auprès des personnes âgées en Suisse s’appuie plutôt sur des professionnels du travail social et communautaire. Quoiqu’il en soit, partout émerge la même conviction : aller à la rencontre des aînés, avant qu’une crise ne surgisse, est une clé pour affronter le vieillissement de la population.

Le rôle de la diaconie et des Églises

Quelle contribution la diaconie  – en particulier dans le contexte des Églises réformées cantonales – peut-elle apporter à ce domaine ? Traditionnellement, les Églises s’engagent dans le travail auprès des personnes âgées par le biais de services de visite et d’accompagnement. Dans presque chaque paroisse, des bénévoles rendent visite à des seniors chez eux ou les accompagnent à des événements communautaires. Ce travail de proximité et d’aller-vers fait partie intégrante de la mission diaconale de l’Église. Les paroisses réformées disposent pour cela de diacres formés, qui coordonnent ces offres, ainsi que d’un large réseau de bénévoles. Les Églises possèdent ainsi des ressources précieuses pour lutter contre la solitude au grand âge – du temps, de l’attention humaine et un accompagnement spirituel que nul autre acteur ne peut offrir sous cette forme.

L’expérience montre que les services de visite et d’aide de voisinage offerts par les Églises sont très appréciés des personnes âgées, précisément parce qu’ils s’appuient sur des relations de confiance de longue date.

Ne laisser personne passer entre les mailles du filet

La nouvelle étude sur le travail mobile auprès des personnes âgées appelle explicitement les communes et organisations à coopérer, et les Églises apparaissent ici comme des partenaires naturels. Beaucoup de seniors se confient plus volontiers à une personne d’Église connue qu’à un service administratif. Dans certaines régions – comme Zurich, Berne, Bienne, Lausanne ou Genève –, des projets existent déjà où les paroisses participent activement à des communautés bienveillantes, à des rencontres intergénérationnelles ou à des cafés du 3e âge. Ces contributions ecclésiales s’accordent parfaitement avec la philosophie du travail mobile auprès des personnes âgées, qui vise elle aussi à créer du lien et renforcer la communauté.

Au-delà de l’action sociale, les Églises disposent d’un trésor unique : elles accompagnent les êtres humains tout au long de leur vie, jusqu’au grand âge, et contribuent ainsi à une culture du soin et de la sollicitude. Ensemble – société, diaconie et politique – peuvent faire en sorte que personne ne passe à travers les mailles du filet.