A Neuchâtel, l’espace Oskar Pfister propose depuis deux ans un accompagnement spirituel aux personnes en difficultés psychiques. Une manière de répondre aux questions de santé mentale dans l’Église.

C’est au cœur de la vieille ville que Jérôme Grandet reçoit sur rendez-vous, dans une petite salle équipée de trois fauteuils. L’un d’eux est souvent occupé par sa chienne Ella, un border collie qui accueille les visiteurs avec enthousiasme. Jérôme Grandet est aumônier permanent laïque à 40% à l’espace Oskar Pfister, une structure d’accompagnement spirituel de l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) axée sur la psychiatrie ambulatoire. Le lieu a vu le jour après la fermeture d’unités dans le secteur hospitalier psychiatrique. Le Centre neuchâtelois de psychiatrie (CNP) refusant d’accepter un aumônier dans le secteur ambulatoire, le pourcentage de poste soutenu financièrement par l’hôpital a drastiquement diminué.

Toutefois l’EREN souhaitait continuer à suivre les personnes n’ayant plus accès à cet accompagnement. « Il est arrivé à plusieurs reprises que des personnes se tournent vers des cercles de prière ou de lecture proposés par certains milieux évangéliques où on leur dit qu’elles reçoivent une guérison et que leur traitement n’est plus nécessaire. Certaines ont fait de sévères rechutes », explique Jérôme Grandet. Toute personne en proie à des difficultés psychiques peut bénéficier de l’accompagnement de l’espace Oskar Pfister. « La plupart des gens que je rencontre ne sont pas croyants, mais se posent des questions existentielles ayant trait à leur maladie », précise l’aumônier laïque. Il reçoit également des proches de patients et, plus rarement, des professionnels du milieu psychiatrique confrontés aux problèmes spirituels de leurs patients. L’accompagnement est gratuit. S’ils le désirent, les patients peuvent placer une contribution dans une petite boîte réservée à cet effet.

Sensibilité aux questions spirituelles

« En psychiatrie, on rencontre souvent des personnes qui sont sensibles aux questions spirituelles», explique celui qui est au bénéfice d’une solide expérience d’aumônerie en addictologie et en psychiatrie hospitalière.

 « Je ne suis pas là pour dire aux patients où se trouve la vérité, mais pour les aider à discerner les possibilités qui s’offrent à eux ». Certains se sentent seuls et aimeraient intégrer une communauté spirituelle après avoir subi une forme d’abus spirituel dans une église évangélique par exemple. Beaucoup sont juste à la recherche d’une écoute : ils ont besoin de se décharger dans les moments difficiles. D’autres enfin, souhaitent un accompagnement sur un moyen ou long terme pour intégrer la spiritualité dans leur cheminement personnel.

Cette offre comble un besoin, une sorte de carence en psychiatrie. « D’après mon expériences, dans les hôpitaux psychiatriques, la prise en charge spirituelle dépend essentiellement de la sensibilité des soignants. Au niveau institutionnel, il n’existe pas de positionnement clair, même si l’institution engage des aumôniers et porte ainsi une attention aux besoins spirituels des patients », souligne Jérôme Grandet. Au total, il accompagne entre 10 et 15 personnes qu’il reçoit à l’espace Oskar Pfister. Lorsque les patients ne peuvent pas se déplacer jusqu’en ville de Neuchâtel, l’aumônier laïque se rend à leur domicile ou leur propose une rencontre dans une salle de paroisse. Il anime également des groupes de parole à l’Anaap, l’Association neuchâteloise d’accueil et d’action psychiatrique, qui aide les personnes en proie à des difficultés psychiques ou sociales. Une grande partie du travail consiste à faire le lien avec les réseaux professionnels institutionnels, personnel soignant, thérapeutes ou assistants sociaux libéraux. « A la différence d’un accompagnement purement pastoral, je travaille avec les thérapeutes et le réseau afin d’assurer le suivi dans le respect du parcours thérapeutique de la personne et pour favoriser l’intégration de sa spiritualité dans le processus de soin. »

Travailler avec les paroisses

Les deux premières années du projet, qui est soutenu par la Fondation Fondia, ont démontré l’existence d’une réelle demande de la part des patients, mais également un besoin de soutien aux difficultés psychiques dans les paroisses. Parfois, les ministres en postes sont dépassé par ces questions.

L’EREN souhaite pérenniser ce projet dans les années à venir afin de créer une prise de conscience des questions de santé mentale dans l’Église, d’augmenter la capacité à prendre en compte les besoins des personnes concernées, mais également de mieux intégrer ces personnes dans les communautés lorsque celles-ci le demandent. « Je souhaite travailler en collaboration avec les paroisses afin d’en faire des lieux inclusifs pour les personnes en difficultés psychiques. C’est difficile, car certaines personnes ont des comportements bizarres, des manies, des tocs ». D’autre part, Jérôme Grandet aimerait aussi conduire un travail de sensibilisation. « Beaucoup de chrétiens ne vont pas consulter parce qu’ils s’en remettent au groupe, à la prière et aux conseils du pasteur. Ils attendent trop longtemps et sont surpris d’apprendre qu’ils souffrent par exemple d’un burnout ». L’objectif est de créer des réseaux de bénévoles dans les communautés, notamment avec la formation ensa – premiers secours en santé mentale – afin de les aider à repérer les personnes qui ont besoin de soins.

Recherche de financements

Une partie du mandat de l’aumônier consiste en outre à trouver des fonds pour financer la suite du projet et le développement du réseau avec d’autres partenaires institutionnels en lien avec la santé comme Addiction Neuchâtel ou les soins à domicile. Le projet a également pour but de « dédiaboliser » la psychiatrie, qui souffre parfois d’une perception déformée dans certains milieux chrétiens.

Ce projet est soutenu par la fondation Fondia