Une pastorale en milieu carcéral

Une pastorale en milieu carcéral

Mobiliser d’anciens prisonniers pour aider les détenus à quitter le chemin de la criminalité. C’est l’idée innovante développée en Valais par la Maison de la Diaconie et de la Solidarité. Sa responsable Joëlle Carron coordonne un important réseau de bénévoles et de professionnels. Le Réseau Prisons est à l’origine d’une pastorale qui s’engage hors des […]

Mobiliser d’anciens prisonniers pour aider les détenus à quitter le chemin de la criminalité. C’est l’idée innovante développée en Valais par la Maison de la Diaconie et de la Solidarité. Sa responsable Joëlle Carron coordonne un important réseau de bénévoles et de professionnels. Le Réseau Prisons est à l’origine d’une pastorale qui s’engage hors des établissements carcéraux afin de favoriser, par une activité bénévole notamment, la réinsertion sociale des personnes sortant de prison.

« Un détenu qui sort de détention est généralement confronté à une montagne de questions administratives et financières, qu’il s’agisse de poursuites, de frais de justice ou de dettes. Bien sûr, l’administration pénitentiaire l’aide à se préparer à certains de ces défis, mais elle ne peut parer à tout. C’est ici que les Eglises peuvent apporter une aide et un soutien », explique Joëlle Carron, qui dirige depuis 2020 la Maison de la Diaconie et de la Solidarité à Sion. Depuis trois ans, le Réseau Prisons rassemble deux aumôniers, l’un catholique et l’autre réformé, de nombreux bénévoles, des membres du milieu associatif ainsi que la Maison de la Diaconie et de la Solidarité. Soit entre 80 et 100 personnes qui sont actives dans l’ensemble du canton. Le réseau est aussi doté d’un poste de coordinatrice à 15%. Car il n’y a pas trop de bras pour soutenir et accompagner les anciens détenus à leur sortie.

Les enjeux d’une sortie de de détention dépassent souvent tous les acteurs en place. Difficile de retourner à la vie conventionnelle par exemple lorsque l’on n’a ni logement, ni réseau, ni papiers. C’est souvent le cas des migrants qui sortent de détention administrative. Mais le retour à l’autonomie peut également être compliqué lorsque l’on est rentier AI ou que l’on souffre de troubles psychiques et/ou d’addictions. Après des années de mise à l’écart, comment renouer les liens avec la famille, ouvrir un compte bancaire sans adresse postale et comment toucher l’aide sociale ou les indemnités de chômage ?

Un point de chute

Au cœur de ce projet de pastorale en milieu carcéral, la Maison de la Diaconie et de la Solidarité est un point de chute précieux. Les anciens détenus y trouvent un soutien moral et un accompagnement facilitant leur retour dans la société. Verso l’Alto, le café social du lieu, propose des repas communautaires aux plus fragiles. Certains sortants de prison ou détenus exécutant leur peine sous bracelets électroniques participent une fois par semaine à la préparation de ces menus solidaires. D’anciens détenus, ayant retrouvé une vie sociale, sont très actifs dans le cadre du groupe de partage du projet « Désistance » du Concordat latin des prisons. Il est question ici de parrainages individuels effectués dans le cadre de binômes. Autre initiative originale, la pastorale distribuera dans les mois qui viennent des « kits de sortie » via les assistants sociaux des établissements pénitentiaires. Ils comprennent des bons de repas, des bons de nuitées d’accueil d’urgence, des conseils juridiques et sociaux préventifs. Ici encore, les anciens détenus ont pu apporter une aide précieuse pour la constitution des kits. Leur témoignage sur le chemin du retour à l’équilibre est très important, relève Joëlle Carron. Il se conjugue aux conseils et à l’accompagnement proposés par les acteurs de la pastorale. Cette communauté non jugeante et travaillent toujours dans la discrétion permet la valorisation des sortants de prison et alimente leur désir de poursuivre leur intégration. Elle vise à leur offrir un accompagnement non stigmatisant, « signe de la tendresse de Dieu » envers chacun.

Soutien

L’action de la pastorale ne concerne pas que les détenus. Elle vise aussi à offrir un soutien aux deux aumôniers actifs en prison et à mettre en réseau les différents acteurs impliqués dans le domaine de la privation de liberté, qu’ils soient institutionnels, ecclésiaux ou bénévoles. Enfin, elle table sur une amélioration de la formation des nombreux volontaires qui ne se contentent plus désormais d’effectuer de simples visites aux détenus dans les établissements pénitentiaires. Car les enjeux d’une détention administrative, par exemple, sont complexes et nécessitent souvent des connaissances pointues au niveau juridique pour comprendre les systèmes et les enjeux. Il est aussi important aussi de revêtir la juste posture diaconale. « Face à un détenu, il ne s’agit pas de tomber dans l’angélisme, mais d’accueillir chacun de manière lucide, quel que soit son passé et ce qu’il a pu commettre, en distinguant la personne de ses actes », souligne la directrice de la Maison de la Diaconie. Un accompagnement qui permet souvent aux détenus de réaliser des progrès en matière de relecture de vie, d’estime de soi et de renaissance. « Un travail difficile, souvent un travail de résurrection, rendu possible par des dialogues et le compagnonnage d’un aumônier ».

Expertise du milieu carcéral

Le projet a reçu l’aval des autorités et le soutien financier de la fondation Fondia, fondation pour la promotion de la diaconie communautaire d’organisations proches de l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). Depuis septembre 2022, il se déploie dans l’ensemble du canton du Valais et cela pour les trois prochaines années en collaboration avec l’Office valaisan des sanctions et des mesures d’accompagnement. Il devrait également permettre de développer une expertise du milieu carcéral avec les bénévoles et les professionnels. Enfin, il prévoit une série de soirées thématiques dans des lieux diaconaux et en paroisses avec des témoignages d’anciens détenus afin de sensibiliser le grand public et les communautés chrétiennes aux réalités de la privation de liberté en Valais. « La pastorale en milieu carcéral met en oeuvre la mission de l’Eglise, à travers le bénévolat, les liens communautaires et le pardon », souligne Joëlle Carron. La jeune et dynamique quadragénaire, qui est aussi laïque consacrée, y voit un aspect prophétique.  « Ce n’est pas un hasard si les Eglises peuvent être porteuses de ces passerelles ».

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