Au cœur du quartier populaire de la Servette à Genève, l’Espace Solidaire Pâquis reçoit tous les jours des centaines de personnes issues pour la plupart de la migration. Tenu par le pasteur Luis Velasquez, ce lieu laïque est ouvert à toutes et à tous sans distinction.

« Ici l’accueil et l’accompagnement sont inconditionnels », explique Luis Velasquez, responsable de cet espace niché au sous-sol du temple de la Servette et prêté par la paroisse protestante Rive droite, en collaboration avec l’Eglise protestante de Genève (EPG). « Chacun.e est recu.e tel qu’il ou elle est. On ne demande jamais à personne ni numéro de téléphone, ni nom ou prénom ». Seule une croix sur un registre en papier atteste du passage de l’intéressé.e. C’est la mission de ce lieu très animé et souvent bruyant qui distribue des cafés et des thés non-stop de 8h30 à 17h.

En ce moment, la fréquentation est plutôt élevée : entre 220 et 240 personnes s’y côtoient chaque jour. Un nombre qui n’a fait qu’augmenter depuis l’arrivée du ministre en septembre 2022, où l’on comptabilisait quotidiennement entre 50 et 70 visiteurs. « On observe que la fréquentation varie en fonction de la situation géopolitique mondiale », souligne Luis Velasquez. Les bénéficiaires sont appelés « les passant.e.s ». « Il s’agit d’éviter toute stigmatisation liée à leur origine ou à leur parcours » Naturalisé suisse et habitant Genève, où il a rejoint ses parents il y a plus de 20 ans, Luis Velasquez est lui-même originaire d’Equateur. Ce jeune quadragénaire, marié et père de famille, se dit naturellement sensible aux difficultés que peuvent rencontrer les migrant.e.s. à leur arrivée en Suisse.

Repas solidaires

Après ses études de théologie, il effectue son stage pastoral à l’Agora, l’aumônerie genevoise œcuménique qui offre une présence et des activités aux réfugié.e.s, notamment dans la zone de transit de l’aéroport de Cointrin, où sont retenus les requérant.e.s pendant leur procédure d’asile. En tant que stagiaire, Luis Velasquez a également travaillé à l’Espace solidaire, né en 2009 aux Pâquis, suite à la vague migratoire suscitée par la crise économique en Espagne.

Le temple du quartier n’étant plus adapté, l’espace diaconale a par la suite déménagé en 2019 dans le quartier populaire de la Servette et bénéficie désormais de locaux plus vastes et mieux équipés. « Nous disposons maintenant d’une véritable cuisine professionnelle où l’on prépare tous les lundi et vendredi des repas solidaires pour une soixantaine de personnes », relève Luis Velasquez.

Mais l’Espace Pâquis propose aussi des ateliers de français et d’anglais, d’informatique, ainsi qu’un service d’écrivain public qui répond à toute question administrative et rédige des cv ou des lettres de motivation. Il offre en outre un coin internet. Une permanence juridique est par ailleurs assurée par des étudiants de la faculté de droit de Genève, en collaboration avec le Bureau d’information social du canton.

Cette offre diaconale s’adresse surtout à un public issu de l’immigration. Des personnes au bénéfice d’un passeport européen venant de pays comme le Kosovo, mais également des personnes sans statut légal, arrivant de pays d’Asie ou d’Afrique. « Mais nous recevons aussi de plus en plus souvent des citoyens genevois qui viennent en quête d’une aide pour rédiger une lettre ou sollicitent des conseils juridiques », note le pasteur. En fonction de leurs besoins, les personnes seront réorientées vers les différentes institutions actives dans le domaine social à Genève avec lesquels l’Espace Solidaire Pâquis collabore. Parmi elles, l’Agora ou le CSP qui peut aider à résoudre des situations juridiques complexes.

Une trentaine de bénévoles

Au total, une équipe d’une trentaine de personnes – stagiaires, bénévoles, personnes en réinsertion professionnelles – seconde le pasteur au quotidien pour garantir les activités. Parmi ces volontaires, on trouve d’anciens bénéficiaires reconnaissants qui apportent leurs compétences linguistiques ou informatiques dans les ateliers. « Certains étudiants de la Haute école de travail social de Genève sont d’ailleurs passés par l’Espace Pâquis avant d’entamer leur cursus pour devenir assistants sociaux »,  souligne Luis Velasquez.

La dimension spirituelle n’est pas oubliée. Chaque semaine, le pasteur et ses collègues, soit une autre pasteure et une célébrante laïque, donnent à tour de rôle une célébration dans le temple situé au-dessus de la salle de paroisse. Ce culte raccourci rassemble une cinquantaine de personnes. Il est adapté au public, composé en majorité de catholiques, mais également de musulmans ou d’adeptes d’autres religions, ainsi que de personnes sans confession.

C’est le cas également pour la méditation qui est proposée par le pasteur, sans obligation, avant le repas solidaire du vendredi. « Je me base souvent sur un texte littéraire. Ces derniers temps, je travaille avec « Le Petit Prince », de Saint-Exupéry. Après la méditation, le conte philosophique donne lieu à une discussion ouverte, puis à un temps de prière », explique encore Luis Velasquez.

Ce lieu riche en personnes, et en histoires, les unes plus complexes que les autres, ne fait aucun prosélytisme, ni religieux ni politique. Il ne fait pas de publicité non plus. C’est surtout le bouche-à-oreille qui fait venir les nouveaux arrivant.e.s. «J’essaye d’accomplir au mieux les tâches que l’Evangile et l’Eglise protestante de Genève me confient. Il s’agit d’être en lien avec les gens et de leur apporter une aide et une écoute ».