L’Association diaconale romande (ADR) a été dissoute l’automne dernier, non sans avoir permis l’émergence de nombreuses initiatives. Son ancien président Mario Giacomino reste convaincu de l’utilité de l’action diaconale pour promouvoir l’image de l’Église. Interview.

 

Quelle est l’histoire de l’ADR ?

Créée dans les années 80 sous le nom d’Association Diaconale Romande, l’ADR comptait dans ses belles années une centaine de membres. Elle avait deux raisons d’être. D’une part, elle était un lieu qui permettait aux diacres de se rencontrer en Suisse romande. C’était l’occasion pour eux de discuter de leur ministère et de ses spécificités par rapport au ministère pastoral. Il s’agissait notamment, dans une posture un peu syndicale, de défendre le diaconat et sa place décroissante au sein de l’institution. D’autre part, il s’agissait d’échanger sur les questions de terrain, à savoir comment témoigner et répondre aux divers besoins de la société. Des changements intervenus des deux côtés de la Sarine dans la formation et des incertitudes manifestées par les Églises nous ont incité à organiser en 2011 un « Forum de la Diaconie » qui s’est tenu à Montmirail, dans le canton de Neuchâtel.

 

Que s’est-il passé au Forum de Montmirail ?

Nous nous sommes penchés sur la question de l’importance de la diaconie dans les paroisses, les cantons et à tous les niveaux. Ce Forum, organisé conjointement avec la Conférence de la diaconie de l’ancienne Fédération des Églises protestantes de Suisse, l’Office protestant de la formation qui forme les diacres en Suisse romande, nous a donné un coup de pouce important. Les participants ont adressé de manière officielle 10 propositions aux Eglises de Suisse, concernant notamment la valorisation de la diaconie et une amélioration du cursus de formation des diacres ou la clarification des fonctions à l’intérieur du ministère ecclésial, mais également la promotion du bénévolat. Cela a été un appel pour que les Réformés n’oublient pas que si le ministère de la parole est important, celui des actes doit aussi pouvoir trouver sa place. Nous avons aussi créé une collaboration avec nos collègues de Suisse alémanique, chez qui la diaconie occupe une place plus large, en raison notamment de la structure de l’Église qui prévoit des financements.

 

Et ensuite ?

Si le Forum de Montmirail a constitué l’apogée de l’ADR, il a aussi marqué le début de son déclin. Il a permis de tisser des liens forts, mais cela correspondait à la fin du mandat pour celles et ceux qui avaient porté le projet. Les forces ont ensuite manqué pour aller de l’avant. Des journées de rencontre entre diacres ont encore été organisées avec des visites d’œuvres diaconales, puis l’élan est retombé. Les premières Assises diaconales romandes ont été organisées en novembre 2021 par Diaconie suisse. Ensuite, il ne s’est plus rien passé et nous avons décidé de dissoudre l’ADR et nous avons transféré le capital restant à Diaconie suisse. Un groupe de travail y représente désormais les diacres de Suisse romande et s’occupe de la création de journées de rencontres et de partages d’expériences.

 

Quelles impulsions a apportées l’ADR  ?

En Suisse romande, de nombreuses initiatives diaconales ont fleuri, dont la création de la Maison de la diaconie de Sion et celle de Lausanne qui vient d’ouvrir ses portes. Face à l’éloignement d’un nombre de plus en plus grand de paroissiens, on s’est bien rendu compte que la diaconie est un atout de visibilité important. De telles actions apportent à l’Église un capital de sympathie qui peut être porteur auprès de la population. Un petit groupe de travail a aussi été créé autour des communautés bienveillantes.

 

Quels sont les moyens financiers ?

Les ressources financières sont très différentes d’un canton à l’autre. Dans certains cantons comme en Valais, la diaconie repose sur les modestes ressources des Eglises. Œuvre oecuménique, la Maison de la diaconie de Sion a reçu des contributions à la fois du côté réformé et du côté catholique. Pour le reste, le fonctionnement de la diaconie valaisanne repose sur le financement de projets, ce qui signifie qu’il faut aller rechercher l’argent auprès de diverses fondations, dont Fondia (Fondation pour la promotion de la diaconie). C’est une activité très énergivore, mais cet exemple illustre peut-être aussi ce qui attend l’Église dans le futur. A Lausanne, la Maison de la diaconie a été créée grâce au soutien de l’EERV et de la Municipalité de Lausanne. La gestion des lieux est assurée par des membres du conseil de service communautaire et des personnes proches du projet. Deux mi-temps professionnels permettront de faire vivre cette œuvre et ses projets. Cet espace devrait notamment s’ouvrir sur les questions de solidarité et de transition écologique et sociale, mais également comprendre des offres culturelles ou associatives.

 

Quel est aujourd’hui le rôle de la diaconie ?

La diaconie est une des deux jambes de l’Eglise. Sans elle, je ne donne pas cher de cette institution. La population s’est tellement affranchie de la religion. La parole a encore une présence importante, avec l’accompagnement des moments marquants de la vie, mais cela ne touche plus qu’une mince partie de la société. De son côté, la diaconie a pour mission d’aller vers tout le monde. Elle s’adresse le plus souvent à des bénéficiaires en difficulté pour des raisons de dépendance ou de pauvreté. Un public cible qui n’est d’ailleurs généralement pas lié aux activités religieuses. Mais, plus important encore, la diaconie mobilise également beaucoup de bénévoles auxquels elle offre du sens. Ce sont souvent des personnes motivées par des raisons humanitaires. La diaconie permet donc de donner concrètement une image positive de l’Église. Les protestants sont généralement réputés pour être quelque peu élitaires et intellectuels, alors que la diaconie par définition relève plus du ressenti. Si je vais faire à manger toutes les semaines à des personnes âgées, je me fais du bien, avec des gens intelligents et je peux éventuellement me retrouver au culte avec eux.

 

La diaconie est donc indispensable pour l’Eglise ?

Je suis convaincu que si l’Église veut continuer à parler aux gens, cela passera par la diaconie. Elle est à mon avis l’avenir de l’institution. Cela demande de la volonté, des forces et de l’énergie. Il s’agit vraiment de l’action d’une institution qui sort de ses murs. Nous allons vers celles et ceux que nous ne rencontrons pas d’habitude, nous leur disons bonjour, nous les accueillons avec un sourire et leur montrons notre intérêt. La diaconie est le lieu privilégié pour aller à la rencontre de celles et ceux qui n’ont plus du tout notre adresse. C’est une approche discrète et douce qui montre à ces personnes que Dieu les aime concrètement.