Les professions de pasteur.e et de diacre sont appelées à se métamorphoser ces prochaines années si elles veulent demeurer en phase avec la société d’aujourd’hui. Dans un rapport, Didier Halter, directeur de l’Office protestant de la formation (OPF)[1], préconise une refonte globale du système actuel de formation en Suisse romande. Explications.

« Les évolutions rapides survenues ces derniers temps, nous ont convaincu que le dispositif conçu il y a une dizaine d’années et qui forme aujourd’hui les pasteur.e.s et les diacres est devenu obsolète », souligne Didier Halter qui pointe les défis auxquels sont confrontées les Églises réformées en Suisse : sécularisation croissante et changements sociétaux.

Mais le plus grand challenge réside dans la pénurie de pasteur.e.s et de diacres. Les candidats au ministère se font rares. En cause, une crise de la vocation pastorale, avec sa fonction herméneutique. Les jeunes sont moins intéressés par ce métier et sa dimension sacrée. Et ils ne souhaitent plus forcément s’engager dans une profession pour toute la durée de leur vie.

Cette situation met quelque peu les Églises sous pression. En Suisse romande, nombre d’entre elles ont laissé la place à l’émergence de nouveaux ministères. Pour pallier au manque de professionnels, elles engagent des « animateurs d’Église », des « permanents laïcs » ou des « chargé.e.s de ministère » qui occupent des fonctions auparavant dévolues aux ministres, comme la célébration du culte. S’ensuit une certaine confusion sur le terrain.

Par ailleurs, le profil des candidats s’est beaucoup diversifié. Les étudiants ne sont plus majoritairement des jeunes de 25 ans sortant de la faculté de théologie, mais plus souvent des quadragénaires entamant une reconversion professionnelle et bénéficiant d’une solide expérience.

Formation raccourcie

Autant de facteurs qui plaident pour un changement du cursus, relève Didier Halter. La formation devrait être condensée et mieux tenir compte du bagage professionnel des candidats. « J’imagine un minimum de socle commun, puis une formation plus modulaire en fonction des compétences, des charismes et des besoins des différentes Églises ».

La formation devrait aussi spécialiser davantage dès le départ. Au vu de la diversification des profils, un cursus qui forme des généralistes et ensuite seulement des aumôniers et des pasteurs qui se spécialisent sur le terrain, ne tient plus la route, selon Didier Halter.

Son rapport interroge aussi les Églises sur la stratégie à adopter vis-à-vis de cette formation. Visant à satisfaire un haut niveau de qualité et à des demandes religieuses adressées à l’Église concernant des services comme le culte ou la catéchèse, elle n’est aujourd’hui plus adaptée. « Le besoin spirituel est toujours extrêmement présent dans la société, mais il ne se traduit plus par le fait de se tourner vers une institution religieuse ».

Perte de sens

Un exemple ? « Après le confinement et l’interdiction des rassemblements publics, les pasteur.e.s s’attendaient à recevoir une avalanche de demandes pour des services funèbres, mais la fin du covid n’a pas signé de recrudescence des demandes. Au contraire, la tendance est à la baisse et est même devenue plus faible qu’auparavant », relève Didier Halter.

La pandémie a nettement modifié les comportements et les relations avec l’Église. L’institution n’est aujourd’hui plus forcément reconnue comme pertinente pour faire face à des moments-clés de la vie, comme le mariage, la mort ou encore la naissance. Les gens se tournent de nos jours soit vers d’autres formes de spiritualité, ou se sont mis à organiser eux-mêmes leurs propres rituels privés, avec la famille et des amis.

De quoi déprimer les professionnels. Le blues du pasteur est un phénomène connu depuis longtemps. « On a formé ces gens pour accomplir certaines tâches qui ne sont plus effectuées sur le terrain ». Ainsi, un pasteur est très bien formé à la catéchèse, mais les parents n’envoient plus leurs enfants au catéchisme. Cela engendre une perte de sens.

Communautés de témoins

Le rapport suggère aux Églises d’entrer dans une économie mixte. Il s’agirait d’une part de revivifier les dimensions séculaires et traditionnelles de la vie ecclésiale et de l’autre de se lancer dans la culture de nouveaux projets, dans la création de nouvelles formes de vie chrétienne, en acceptant de commettre des erreurs, explique le directeur de l’OPF.

Certaines formes traditionnelles de la vie ecclésiales sont peut-être destinées à disparaître. Certains pasteurs et les diacres pourraient devenir des spécialistes de l’accompagnement de la fin de vie institutionnelle. « Il y aura sans doute un travail de deuil et un accompagnement humain à mettre en place, qui se rapproche notamment de la mission diaconale ».

Pour Didier Halter, l’enjeu est de voir comment, dans les dix prochaines années, aider les pasteurs à créer des communautés de témoins, ouvertes et non intégristes. Une des pistes à explorer serait que les ministres et les diacres deviennent des sortes de coachs, encadrant des groupes de bénévoles dans la création de projets spécifique pour leur paroisse.

Une grande journée d’études et de réflexion est prévue en février avec le CER et les Eglises réformées romandes sur ces questions : « nous espérons qu’un consensus pourra émerger et qu’il permettra à l’assemblée générale du CER prévue en juin de prendre des décisions, afin de fixer les lignes directrices d’une nouvelle formation à mettre en œuvre par l’OPF ». Le nouveau système de formation pourrait entrer en vigueur à l’été 2025.

[1] https://www.protestant-formation.ch/sites/default/files/2023-09/Formation%20initiale%202023.pdf