Dans le canton de Neuchâtel, l’aumônerie auprès des requérant-e-s d’asile de l’Eglise évangélique réformée (EREN) se mobilise pour soutenir les jeunes requérant-e-s mineur-e-s non accompagné-e-s. Ses professionnels et ses bénévoles facilitent leur intégration dans la région.

Le déplacement fin février dernier d’une soixantaine de jeunes Afghans dans le centre de Couvet a suscité un certain émoi dans le Val-de-Travers. Des craintes ont surgi au sein de la population, notamment suite aux tensions survenues en début d’année aux alentours du Centre fédéral d’asile de Boudry. On se souvient que des habitants s’étaient plaints notamment d’un certain nombre de délits commis par des occupants du centre.

« Il est vrai que soixante jeunes, c’est beaucoup pour un petit village », relève Anne-Pascale Isler, responsable du service cantonal social de l’EREN, en charge du domaine de l’asile. Pourtant, selon elle, les jeunes Afghans, âgés de 14 à 18 ans, ne causent pas de soucis.

Afin d’apaiser les inquiétudes, l’EREN a organisé le 6 mai une soirée d’information, conjointement avec la commune de Couvet, mais également deux autres associations actives dans le domaine de l’asile. La conseillère d’Etat Florence Nater, en charge du département de l’emploi et de la cohésion sociale, ainsi qu’un policier ont même fait le déplacement.

« L’objectif était de rassurer la centaine de personnes présentes, en démontrant que l’arrivée des jeunes requérants n’avaient pas engendré de problèmes. Il s’agissait aussi de trouver des bénévoles pour soutenir ces jeunes migrants loin de leurs familles et de leur pays d’origine.

Car si l’arrivée des Ukrainien-n-e-s fuyant la guerre dès le printemps 2022 avait suscité un énorme élan de solidarité dans le canton, comme ailleurs en Suisse, l’accueil réservé aux jeunes Afghans a été moins enthousiaste. Et la plupart des personnes mobilisées en faveur des réfugiés de l’Est ont continué à les suivre, ce qui a diminué d’autant les réserves de bénévoles de l’EREN, souligne encore Anne-Pascale Isler.

Le soutien des bénévoles

Actuellement, le principal défi pour l’aumônerie auprès des requérant-e-s d’asile de l’EREN est donc de trouver suffisamment de bénévoles, de familles, pour soutenir ces jeunes migrants. « La plupart des gens sont déjà très occupés, ils font du bénévolat ailleurs dans d’autres associations, mais également dans l’Église, auprès des personnes âgées, ou des personnes vivant dans la rue. »

A Couvet, une quinzaine de personnes, membres de la paroisse ou non, soutiennent pour l’heure ces mineurs, de manière plus ou moins régulière. Une paroissienne, particulièrement engagée, contribue énormément à la vitalité de Bartim’Habits, un vestiaire (crée en 2016) où les réfugiés peuvent trouver des vêtements gratuits. Il s’agit de proposer des habits adaptés à la constitution très fine de ces jeunes réfugiés, ainsi que des chaussures, notamment de football, sport qu’ils affectionnent particulièrement.

Le rôle des bénévoles consiste la plupart du temps à accompagner avec bienveillance leurs protégés. « Ces jeunes ont souvent perdu un père ou une mère. Ils recherchent la plupart du temps une famille et ont besoin d’un cadre accueillant, après avoir vécu des horreurs au cours d’un long périple de migration, qui a parfois duré deux bonnes années ».

Certains d’entre eux attendent l’arrivée d’une sœur ou d’un frère, et beaucoup se sentent perdus. Ils ont besoin d’un parrainage, de réconfort. « Souvent, ce sont eux qui recherchent le contact. Conformément aux codes culturels de leur pays, ils sont très respectueux, puis, une fois apprivoisés se montrent affectueux » souligne la responsable de l’EREN.

Ces jeunes Afghans ont soif d’apprendre la langue de la région. Ils sont pris en charge par le canton qui leur offre des cours de français dans des structures adaptées avec des professeurs parlant leur langue. Ils ont aussi besoin de cours de soutien. « Nous essayons de promouvoir le plus possible ces échanges avec des bénévoles de la région ».

Mais l’intégration de ces jeunes migrants passe également par le football. La plupart font partie des deux clubs du Val-de-Travers et participent aux entraînements, aux matchs et aux tournois, d’autant plus volontiers que ce sport a été interdit en Afghanistan. Ceux qui maîtrisent suffisamment l’anglais, accomplissent des stages, souvent en cuisine.

Arrivés en Suisse, les jeunes n’ont pas le choix, ils sont placés dans un centre de la Confédération. Puis, à l’issue de la procédure d’asile, ils sont attribués à un canton et là non plus, leur souhait n’est pas obligatoirement pris en compte. Lorsqu’ils atteignent l’âge de 18 ans, ils ne bénéficient alors plus de la même protection d’office de la Confédération, ils sont traités comme des adultes, tant au niveau de la procédure d’asile que du point de vue de l’encadrement alloué ; ils doivent quitter les centres d’accueil pour aller en appartement et apprendre à voler de leurs propres ailes. Devenir majeur est pour eux plutôt synonyme de hantise.

L’EREN engagée dans l’asile

Engagée depuis 2012 dans le domaine de l’asile et reconnue comme partenaire par l’Etat, l’EREN offre un encadrement professionnel aux bénévoles souhaitant s’investir auprès des requérant-e-s et des réfugié-e-s. Les bénévoles signent une charte établie par l’EREN et suivent une formation ayant trait aux enjeux psychosociaux, spirituels et juridiques .

Au total, l’EREN dispose d’un réseau de quelque 1’500 bénévoles actifs dans divers domaines dans l’ensemble du canton de Neuchâtel. L’aumônerie propose notamment des cours de soutien au français aux jeunes mineurs non accompagnés dans le Val-de-Travers, mais également à d’autres personnes issues de l’asile dans les centres d’accueil de Tête de Ran, mais aussi dans les villes de Neuchâtel, de La Chaux-de-Fonds et du Locle..

Depuis 2018, une équipe œcuménique (pasteure, agente pastorale catholique romaine et une religieuse sœur issue d’une congrégation catholique engagée particulièrement dans la migration) assure les permanences dans le centre fédéral d’asile de Boudry. L’équipe est devenue interreligieuse depuis deux ans environ avec la présence d’un aumônier musulman. Accréditées par le Service d’Etat aux Migrations, ces personnes apportent ensemble la somme d’expériences et de compétences nécessaires pour assurer un service d’aumônerie de qualité dans ce contexte institutionnel particulièrement exigeant.