A Lausanne, Point d’appui reçoit depuis 20 ans des personnes issues de la migration à la recherche de conseils, d’orientation, d’aide administrative. Gérée par deux aumônières et une responsable d’accueil socio-communautaire, cette structure oecuménique tend la main aux travailleurs précaires, de plus en plus nombreux.

Ils sont cinq ou six ce jour-là à patienter dans le froid, bien avant l’ouverture. D’habitude, ils sont plus nombreux. « Certains matins, une file de 25 personnes se forme devant la porte », explique Diane Barraud, qui a repris en 2011 avec son homologue catholique, la direction de la structure d’accueil fondée en 2003 par les Églises vaudoises. Le lieu était alors adossé au ministère des médiateurs Église – réfugiés. Des postes qui avaient été créés au milieu des années 80 pour répondre aux appels aux secours de requérants d’asile chiliens, algériens ou congolais, dont le renvoi était imminent. A la veille de Noël, les médiateurs avaient à l’époque demandé une trêve et les requérants déboutés s’étaient réfugiés dans l’église catholique de Bellevaux, dans le plus ancien faubourg ouvrier de la ville de Lausanne, en attendant la suite des négociations avec le Conseil d’État vaudois. Après cette crise, les Églises ont maintenu deux postes de pasteurs médiateurs qui ont peu à peu développé une aumônerie, avec un accompagnement et une écoute destinée aux migrants.

A l’intérieur des locaux, plusieurs bénévoles préparent le café, des paniers de brioches. « A Point d’appui, l’accueil se veut le plus inconditionnel possible », souligne l’aumônière. Particulièrement envers ces personnes en migration qui sont souvent fortement fragilisées au cours de leur parcours. Ici, elles sont accueillies quel que soit leur statut.

Outre les deux collaboratrices pastorales, le centre multiculturel tourne grâce à une responsable d’accueil socio-communautaire, un civiliste et l’aide d’une quarantaine de bénévoles. De nombreux bénéficiaires viennent chercher des conseils, régler des problèmes administratifs ou bénéficier des services des écrivains publics pour rédiger une lettre. De temps en temps, ils viennent juste boire un café.

« Notre positionnement se base sur l’histoire du Samaritain, ou celle d’Emmaüs dans les Évangiles. Si une personne est en difficulté au bord du chemin, l’urgence est de nous en occuper, de prendre sa demande au sérieux. Et si son problème ne relève pas de nos compétences, alors nous l’aidons à trouver le bon interlocuteur », précise Diane Barraud. 

Les deux aumônières sont disponibles pour des entretiens individuels. « Nous intervenons à la croisée des chemins. Lorsqu’une réponse négative tombe pour une demande d’asile et qu’il est question d’un retour au pays par exemple, il est important d’être à l’écoute, d’aider les gens à discerner ce qui fait sens pour eux, à trouver la suite du chemin. 

Lacunes sociales

Ces dernières années, Point d’appui est devenu un lieu repéré par les travailleurs et les travailleuses européen.n.e.s peu qualifié.e.s qui arrivent en Suisse en toute légalité, mais souvent sans projet professionnel. « Nous rédigeons leur CV, puis ils cherchent du travail. Ils doivent découvrir le fonctionnement du pays, rencontrent souvent des problèmes de logement, doivent s’affilier à l’assurance maladie, ouvrir un compte en banque.

Chaque jour, le centre reçoit entre 20 et 40 personnes et compte quelque 400 visites par mois. Certaines personnes viennent y prendre des cours de français ou fréquentent les ateliers de conversation. Un point internet est à disposition un après-midi par semaine. Enfin, Point d’appui s’occupe d’un vestiaire et de la distribution d’aide alimentaire.

La demande est très forte pour l’aide administrative, qui n’était pas la vocation première du centre. « Nous donnons un coup de pouce». Une manière de combler l’absence de prise en charge des travailleurs précaires à leur arrivée en Suisse. Alors que les requérants d’asile sont logés, car il est du devoir de l’État de s’en occuper, la situation des migrants travailleurs, arrivée par le biais de la libre circulation, est plus compliquée. Conformément à la philosophie néo-libérale, leur sort dépend de leur responsabilité individuelle.

Dans les années 70, 80, la situation des travailleurs saisonniers, exploités comme force de travail, était certes révoltante, en raison de l’interdiction du regroupement familial, mais les ouvriers avaient néanmoins droit à un logement, certes très précaire. » Aujourd’hui, on fait venir des travailleurs sans se soucier de leurs conditions de vie », relève l’aumônière. 

Des travailleurs dans les hébergements d’urgence

Il faut savoir qu’à Lausanne, les hébergements d’urgence sont remplis de personnes dotées d’un contrat de travail. C’est même le cas de 70% des occupants des quatre structures d’accueil principales de la ville. Or ces dernières sont censées pallier aux situation de rupture, mais ne sont pas destinées à héberger des gens qui travaillent à longueur de journée.

L’action diaconale ne se limite pas à l’action charitable, note Diane Barraud. Il s’agit d’interpeller la société pour changer la situation sociale. « Les prophètes ne se sont pas contentés d’aider les gens, ils sont allés crier dans la cour du roi ». Point d’appui participe à des conférences sur l’asile  ou les renvois forcés, qui visent la sensibilisation et l’information. « Nous pouvons aussi demander des entretiens avec le service cantonal de migration ou d’autres autorités, à la recherche de solutions ». 

Dans ce travail diaconal souvent difficile, ce qui porte les aumônières, c’est le travail en équipe, mais surtout les personnes elles-mêmes, fortes, courageuses et créatives. « Pour moi ce sont des héros et des héroïnes. Je pense en particulier à cet ouvrier agricole, qui fait pousser le jour les salades de la Migros, et qui la nuit dort au Sleep-in ». 

« Quand il y a des blessures dans l’humanité, le cœur de la diaconie et de s’en approcher et de voir comment il est possible de restaurer les personnes, de rétablir un bout de justice. Pour moi, c’est vraiment le cœur du message biblique. Point d’appui est un acteur parmi d’autres de bonne volonté, qui a conscience de ce besoin de solidarité. »