Un vent de renouveau souffle sur la diaconie. Au terme de la 2e édition des Journées diaconales romandes, un élan vers le « faire ensemble » se dessine, selon Jacqueline Lavoyer, co-présidente du groupe Projets et Pratique de Diaconie suisse. Entretien.

Comment s’est déroulée cette journée ?

La deuxième édition des Journées de la diaconie romande a eu lieu le samedi 24 février dernier aux Jardins divers, la Maison de la diaconie, à Lausanne. Elle a rassemblé plus de vingt personnes. Il y avait des ministres expérimentés, de jeunes diacres sortant de leur formation, des bénévoles mais également des responsables d’Église ou des aumôniers de rue, venant de toute la Suisse romande. Cette journée a été l’occasion pour toutes ces personnes de se retrouver et d’échanger autour de leurs engagements dans le domaine de la diaconie.

Qu’en est-il ressorti ?

Je parlerais d’une forme de renouveau diaconal ou d’une sorte de « printemps de la diaconie ». Avec premièrement, le nouvel élan donné aux diacres romands par ces Journées, suite à la dissolution de l’Association diaconale romande. Mais un renouveau se fait sentir aussi dans l’approche diaconale. En effet, on a longtemps fait pour les autres, puis on a fait avec eux. Maintenant, tous ont à cœur de promouvoir le faire ensemble. Sans renier la manière dont l’Eglise a accompli cette part de sa mission jusqu’ici, la diaconie s’ouvre toujours davantage sur le monde alentour. Elle reste communautaire et nourrie par l’Évangile, tout en s’élargissant. A l’image, précisément, des maisons de la diaconie ou des Églises ouvertes, ces espaces de vie où se rencontrent aussi bien des habitants du quartier que les personnes précarisées ou des passants. Dans tous ces lieux, chacun est invité à s’impliquer, à la mesure de ses compétences et de ses besoins.

En quoi ces lieux sont-ils différents ?

Ce qui s’y vit n’est pas défini d’avance par l’institution, mais co-construit avec les personnes qui s’y rencontrent. D’ailleurs, la Journée diaconale, aussi, n’était pas réservée exclusivement aux professionnels ou responsables d’Église. Des bénévoles de Jardins Divers et de l’aumônerie de rue de Neuchâtel était parmi nous et y ont activement participé. Car la diaconie a besoin de l’engagement de toutes et tous. Il s’agit, pour l’Église, d’offrir des espaces accueillant tout un chacun avec ses dons, ses ressources, ses limites, ses problématiques. De plus, l’action diaconale nécessite le travail en réseau, en complémentarité avec d’autres acteurs de la société : travailleurs sociaux, spécialistes des questions de santé ou d’assurances, psychologues, etc. Ces collaborations sont indispensables pour pouvoir répondre aux problématiques parfois pointues qui se posent. A cet égard, la relation avec les Centres sociaux protestants, notamment, est importante. La présence et l’exposé introductif de Mme Joerchel, directrice du CSP Vaud, ont été très appréciés – et appréciables.

Comment les bénévoles sont-ils intégrés ?

Quel que soit leur parcours de vie ou leur situation, les personnes qui fréquentent, par exemple, les Jardins Divers ou les Repas de l’Amitié à La Chaux-de-Fonds, participent à l’élaboration des repas ou assurent d’autres tâches nécessaires pour le bon déroulement des activités. C’est donc une nouvelle approche qui émerge, une autre façon de cultiver l’accueil et la solidarité. On pourrait parler d’une sorte de « permaculture diaconale » : d’une culture très maîtrisée et linéaire, on passe à de petits « éco-systèmes sociaux ». C’est plus imprévisible dans son évolution et les résultats sont souvent surprenants ; cela demande davantage de souplesse et de confiance mutuelle. A y regarder de près, beaucoup de ces initiatives et projets s’inscrivent pleinement dans la philosophie des communautés bienveillantes sur lesquelles on travaille beaucoup à Diaconie Suisse.

Est-ce toujours possible ?

La participation est bien évidemment plus délicate à réaliser dans le cadre d’une l’aumônerie de rue, par exemple, qui accueille la plupart du temps des personnes très fragilisées. Pourtant, même là, il est possible de viser cet idéal du « être et faire ensemble ». Ainsi, une personne qui fréquentait l’un de ces lieux est devenue bénévole dans une structure similaire, une fois sa situation sociale, stabilisée. Elle y accomplit un travail extraordinaire, enrichi par sa propre expérience.

Des ateliers étaient aussi organisés ?

Les participants ont pu prendre part par exemple à différents ateliers, sur des aspects concrets des précarités comme les besoins psychiques et spirituels et l’isolement social. Cependant, il s’agit toujours d’accueillir la personne dans sa globalité, de ne pas la réduire à sa problématique du moment. Dans la société – et en Église aussi, parfois –  il subsiste beaucoup de peurs et de méconnaissances. On repousse ceux qui sont différents parce qu’ils nous font peur. Notre mission est d’aller à la rencontre, de favoriser les liens et l’accueil, d’encourager la solidarité avec les personnes en souffrance et entre elles, sans forcément chercher à résoudre les problèmes. Que cet accueil inconditionnel de toute la personne, nous caractérise en tant qu’Église, c’est aussi le constat posé dans l’atelier consacré, précisément, au rôle de l’Église face aux précarités et évolutions sociales actuelles.

Quelle suite pour ces Journées diaconales romandes ?

Les Journées diaconales romandes auront lieu tous les deux ans. Cependant, les participants ont exprimé le souhait de rester en lien et certains souhaitent des échanges plus fréquents. Nous avons donc l’intention d’organiser des webinaires. Le premier sera consacré au bénévolat. Un autre pourrait être centré sur l’identité diaconale. La toute première Journée diaconale romande en 2021, a été un ballon d’essai prometteur. Avec cette deuxième Journée, une bonne dynamique est désormais lancée, un véritable mouvement collectif s’est mis en route. Les diacres ont besoin de se retrouver pour discuter de leurs préoccupations et échanger des expériences. Cette journée a également permis de mieux faire connaître Diaconie Suisse auprès des Romands qui, je l’espère, la solliciteront davantage.