Le Conseil de l’EERS publie une prise de position sur la crise bancaire

19 Avr 2023

Les réglementations too big to fail ne fonctionnent pas en cas de crise, estime l'Eglise évangélique réformée de Suisse EERS à propos de la récente crise bancaire. Les banques dépendent de la confiance des personnes qui investissent leur argent. Une approche constructive de la crise invite à se comporter en tant que partie prenante et non en tant que victime.

La récente crise bancaire autour du Crédit Suisse ne préoccupe pas seulement le monde de la finance, mais aussi la politique et la société civile. Le Conseil de l’Eglise évangélique réformée de Suisse EERS se positionne sur dix questions pertinentes relatives à la crise bancaire. Outre la question de la culpabilité ou de la justice, qui font désormais l’objet de négociations partout, il prend également en compte la dimension théologique et spirituelle de la problématique, peut-on lire dans un communiqué de presse relatif à cette position.

Dans la perspective évangélique réformée, l’économie est un aliment important qui doit servir au plus grand nombre de personnes possible et de manière appropriée, explique l´EERS. Les crises, comme la crise bancaire de 2008 ou la chute du CS ces dernières semaines, donnent l’occasion de réfléchir fondamentalement à notre manière de faire de l’économie.

Certaines d’entre elles ne nécessitent pas de perspective spirituelle particulière, poursuit l´EERS. La volonté de comprendre la crise ou la question de savoir si des régulations sont nécessaires et, le cas échéant, quel rôle l’Etat doit y jouer, ne dépendent pas d’une approche spécifiquement religieuse.

Après l’effondrement du Crédit Suisse, il est évident que les réglementations existantes ne peuvent pas empêcher un crash bancaire, estime l’EERS. Les réglementations “too big to fail” ne fonctionnent pas en cas de crise. Les banques et l’économie en général dépendent d’une ressource qu’elles ne peuvent pas produire elles-mêmes : la confiance des personnes qui concluent des contrats, font du commerce, placent leur argent et investissent dans des entreprises, selon cette position.

Selon l’EERS, les risques moralement discutables sont ceux qui ne peuvent être sérieusement évalués et pesés, et dont les conséquences ne peuvent être réellement assumées. Les risques incalculables confrontent la société à une situation inacceptable. Ainsi, soit la société dans son ensemble est en danger, soit elle est contrainte de répondre des dommages qui ne relèvent pas de l’obligation légale et de la légitimité démocratique.

Selon la position de l’EERS, si les banques ne garantissent pas elles-mêmes les sûretés pour leurs clients et investisseurs, mais par le biais de garanties d’Etat – c’est-à-dire par l’argent des impôts des citoyens -, la politique salariale des banques ne doit pas être dissociée des intérêts légitimes de ceux qui devront fournir les prestations de sécurité en cas d’urgence. Il faut un débat sur la limitation relative des rémunérations les plus élevées et sur les limites de l’écart salarial dans les entreprises garanties par l’État. Dans une étude sur la crise financière de 2008, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse de l’époque avait proposé un rapport de 1 à 40 entre le salaire maximal et le salaire minimal.

“Les crises ne sont pas des faits dans le monde, mais des interprétations du monde”, déclare l’EERS à propos de la question de savoir ce qui découle de la crise bancaire. Et l’attention est répartie de manière très différente à l’échelle mondiale. Les crises mettent en évidence l’ambivalence et l’ambiguïté du monde, qui résiste aux réponses univoques. Selon l’EERS, il serait donc irrationnel de chercher une solution unique et raisonnable. De plus, la personnalisation de la responsabilité n’a qu’une signification symbolique. Elle joue sur l’illusion que l’identification des auteurs de l’infraction permettrait d’effacer l’acte. “La crise climatique et la crise bancaire partagent cette erreur”, affirme-t-il.

Une approche constructive des crises consiste au contraire à les considérer comme un miroir. La crise nous invite à nous comporter non pas comme des observateurs et des victimes d’événements et de conditions indésirables, mais comme des participants et des acteurs.

En 2010 déjà, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, précurseur de l’EERS, avait publié une étude sur les crises économiques et financières de l’époque sous le titre “Des règles honnêtes pour une économie équitable”.